autre remarque, autre réflexion

par Rémy @, dimanche 03 janvier 2016, 00:35 (il y a 3044 jours) @ Claire

La question qui se pose à ce sujet-là, c'est : combien d'autres musiques existaient parmi diverses minorités et ne se sont pas cristallisées ni répandues au point qu'on leur ait donné un nom ? Et l'émergence de tel ou tel nouveau genre n'est-elle pas plus due à son découvreur qu'à ses inventeurs ? Et sa concrétisation n'est-elle pas davantage redevable au fait que la bonne société est ouverte au changement plutôt qu'aux traditions des miséreux ? Le gospel est-il né dans les champs de coton, ou bien dans la première église de bobos bien-pensants de la haute qui a invité un chœur nègre à sa messe de Noël ? Le rap est-il né dans le Bronx ou bien dans le bureau de luxe du gros directeur de maison de disques qui a imaginé quel profit on pouvait faire en le mettant à la mode (remarquez bien que ce gros-là a essayé douze groupes et douze désignations de leur musique avant qu'il y en ait un qui prenne) ?

Une branche de l'art ne naît pas le jour où quelqu'un en fait pour la première fois dans son coin, mais le jour où suffisamment de gens la connaissent et où elle acquiert un nom... C'est-à-dire au moment où elle quitte son coin, où elle sort de sa misère ; et donc ce ne sont pas les miséreux qui l'ont conçue qui la font naître.
Ça explique aussi pourquoi il est plus vraisemblable que les nouvelles branches de l'art soient canailles : les nouveautés qui se développent dans l'art de la haute sont bien intégrées et n'ont pas besoin d'un nom ni d'être signalées comme différentes. Il naît en fait le même nombre de nouveautés partout, mais seules celles que la bonne société adopte-après-polémique sont nommées !

Dans ce sens : la part dans la créativité artistique la plus novatrice de l'arrachement à une société traditionnelle et de la transgression est très grande, mais ce sont le promoteur et les spectateurs qui transgressent, pas l'artiste, qui reste dans sa tradition à lui.

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