Ne que

par Vagabond vagabondant, mercredi 29 juin 2016, 14:53 (il y a 2859 jours)

En certaines régions,
ta peau, bien plus proche du talc ou du gré rouge
que de la peau, suspend
le désir de l'effleurer, de l'inspirer,
de l'embrasser. Retient le geste
à sa pétrifiante origine : l'idée
qu'elle ne pût être que l'enveloppe ineffective
d'un corps à deux.

Alors quelque chose éclôt. Le regret
de n'être qu'un amant sur qui colle l'amour
comme le papier peint sur les murs de la chambre.
et non le mouvement sculpté
du bassin de terre friable enlacé par tes mollets,
et non la dure souplesse du drap que réchauffe la vie,
et non les poutres anguleuses, les fenêtres qui fondent l'espace,
et non la plénitude rêveuse, immense.
N'être qu'un amant,
gros malin mimant tant d'autres fantômes,
gros malin écoeuré par ce qui se répète
et non le doigt qui s'émietterait comme une craie sur l'ardoise de tes cernes
qui tracerait, sous tes grands yeux fermés ou entrouverts,
les arches de viaducs imaginaires.
N'être qu'un amant sur le corps de qui chevauchent sommeils et béatitudes
guetté par l'éternel sanglot.

N'être que cela : retenu, soudain figé.
Le lit, vidé, jauni de sueurs et de leurres,
de deux corps absurdes, bientôt dos à dos.
Et dehors, le béton froid, sans héros, où courent à perte
d'autres choses, qui heurtent, meurtrissent, trahissent
d'autres choses - et l'interminable mécanisme des temps qui courent
sans dedans.

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