Quelques petites fables d'Esope

par kel, lundi 02 mars 2015, 14:45 (il y a 3351 jours) @ kel

Le Renard et la Corneille

Une corneille, ayant dérobé un beau morceau de fromage à la fenêtre d'une maison de campagne, l'avait emporté au sommet d'un arbre. Un renard, qui avait tout vu, se dit :
- Si je sais m'y prendre, j'aurai du fromage pour dîner ce soir.
Il réfléchit un instant, et arrêta son plan.
- Bonsoir, mademoiselle Corneille, dit-il, que vous êtes en beauté, aujourd'hui. Je n'ai jamais vu de plumage aussi lustré. Votre cou a la grâce de celui d'un cygne et vos ailes ont plus de force que celles d'un aigle. Sûrement, si vous pouviez parler, votre chant aura la suavité de celui du rossignol.
La corneille, fière d'une telle louange, voulut montrer qu'elle savait chanter aussi. Mais dès qu'elle ouvrit le bec pour croasser, le fromage tomba à terre et le renard s'en saisit bien vite.
Et, en s'esquivant, il manqua de galanterie. Appelant la corneille, il lui dit :
- J'ai pu plaisanter sur votre beauté, mais je n'ai rien dit sur votre intelligence !

Ne vous laissez pas ridiculiser par la flatterie.






L'Aigle et le Renard

Un aigle et un renard, ayant fait amitié ensemble, décidèrent d'habiter l'un près de l'autre, dans la pensée que la cohabitation affermirait leur liaison. Et alors l'aigle prenant son essor s'établit sur un arbre très élevé et y fit sa couvée, tandis que le renard, se glissant dans le buisson qui était au pied de l'arbre, y déposa ses petits.
Mais un jour que le renard était sorti pour chercher pâture, l'aigle à court de nourriture fondit sur le buisson, enleva les renardeaux et s'en régala avec ses petits. A son retour, le renard, voyant ce qui s'était passé, fut moins affligé de la mort de ses petits que de l'impossibilité de se venger ; en effet il ne pouvait, lui quadrupède, poursuivre un volatile. Il dut se contenter, seule ressource des impuissants et des faibles, de maudire son ennemi de loin. Or il arriva que l'aigle ne tarda pas à subir la punition de son crime contre l'amitié. Des gens sacrifiaient une chèvre à la campagne ; l'aigle fondit sur l'autel, y ravit un viscère enflammé et l'apporta dans son nid. Or un vent violent s'étant mis à souffler fit flamber un vieux fétu, et par suite les aiglons furent brûlés, car ils étaient encore hors d'état de voler, et ils tombèrent sur le sol.
Le renard accourut et sous les yeux de l'aigle les dévora tous.

Si vous trahissez l'amitié, vous pourrez peut-être vous soustraire à la vengeance de vos dupes, si elles sont faibles ; mais qu'en tout cas vous n'échapperez pas à la punition du ciel.





Le Loup et l'Agneau

Un loup, voyant un agneau qui buvait à une rivière, voulut alléguer un prétexte spécieux pour le dévorer. C'est pourquoi, bien qu'il fût lui-même en amont, il l'accusa de troubler l'eau et de l'empêcher de boire. L'agneau répondit qu'il ne buvait que du bout des lèvres, et que d'ailleurs, étant à l'aval, il ne pouvait troubler l'eau à l'amont.
Le loup, ayant manqué son effet, reprit : "Mais l'an passé tu as insulté mon père. - Je n'étais pas même né à cette époque", répondit l'agneau. Alors le loup reprit : "Quelle que soit ta facilité à te justifier, je ne t'en mangerai pas moins".

Auprès des gens décidés à faire le mal, la plus juste défense reste sans effet.





Le Loup affamé et l'Agneau

Un loup se désaltérait à un ruisseau, et il lui arriva de lever la tête. Un peu plus en aval, il aperçut un agneau qui buvait un peu d'eau.
- Oh! Oh! se dit le loup, voilà mon souper! Je n'ai besoin que d'une bonne raison pour l'avoir. Alors j'aurai du même coup nourriture et breuvage.
- Eh! vous là-bas, gronda-t-il. Qu'est-ce qui vous prend de troubler ainsi mon eau ?
- Pardon, dit l'agneau. Mais il n'est pas possible que je trouble votre eau. Si votre eau est boueuse, ce n'est pas ma faute. Vous pouvez voir que je n'emploie que le bout de ma langue. Et puis je bois plus bas que vous, en-dessous du courant, il n'est donc pas possible que je puisse troubler l'eau en-dessus de l'endroit où vous êtes.
- Ne discute pas avec moi, grogna le loup en montrant les dents. J'ai mes renseignements sur toi. Voilà plus de six mois que tu vas colportant des horreurs sur mon compte.
- Impossible, bêla l'agneau. Il n'y a que trois mois que je suis né.
- Eh bien, répartit le loup, si ce n'est toi, c'est donc ton frère, et ça ne vaut guère mieux.
Et, avant que l'agneau ait pu dire un seul mot de plus, le loup sauta sur le pauvre petit et le dévora.

Mauvaise raison est toujours assez bonne pour un brutal.





Le Paon et la Grue

Un paon se moquait d'une grue; il raillait sa couleur : "Moi, je suis vêtu d'or et de pourpre, toi, tu portes un plumage sans beauté. - Seulement moi, répondit la grue, je chante parmi les étoiles et mon vol me porte dans les hauteurs; toi, pareil à un coq, tu marches en bas avec la volaille."

Plutôt la gloire en haillons que le déshonneur dans le faste.





Le Lion et la Souris

Un rat s'en vint trotter sur un lion endormi. Réveillé, le fauve saisit le rat; il s'apprêtait à le dévorer quand le rat le pria de le laisser aller : "Si tu m'épargnes, lui dit-il, je te revaudrai ce bienfait." Et le lion, tout en riant, lui rendit la liberté. A quelque temps de là, le lion dut bel et bien son salut à la reconnaissance du rat. Des chasseurs l'avaient capturé et lié à un arbre. Le rat l'entendit gémir : il accourut, rongea ses liens et le délivra. Et il dit au lion ; "Naguère tu t'es moqué de moi parce que tu ne t'attendais pas que je te montre ma gratitude; apprends donc à présent que chez les rats aussi on trouve de la reconnaissance."

Quand la chance a tourné, on voit les plus puissants avoir besoin des faibles.


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