blanchoteries

par Cerval @, jeudi 20 août 2015, 19:14 (il y a 3385 jours) @ Cerval

aussi ai-je essayé de le réécrire plus sobrement:





Il y a tout dans ma mémoire mais je ne m'en contente pas. Je ne me contente de rien puisque j'y range ce que je trouve devant mes yeux, là ils prennent une autre couleur : le jour les couleurs montent dans les objets ; la nuit elles ne tombent pas mais passent à pas feutrés de l'autre côté de son miroir. J'ai tout mis de l'autre côté de ce miroir : dans la mémoire les objets ont des noms pour que je ne les prononce pas, des contours pour que je ne les touche pas, des formes pour que je ne les voie pas, car tous ne veulent que nommer, toucher et voir par eux-mêmes. Les images peintes sur le verre disent l'orgueil de leur présence. Ce secret était trop brûlant pour ne pas se répercuter sur ma conduite. On me disait : "vous n'aimez rien, n'entreprenez rien, vous n'avez pas de projets". Comment ! J'étais silencieusement multiplié, écrasé par les projets. Les gens ne comprennent les actions que perçues telles, sans se douter que l'espace les sépare leur ménage trop de temps pour qu'elles ne se perdent, se fendent, s'accomplissent autrement. J'avais par le passé formé ces projets visibles où la pensée nécessite de minutieusement planifier, puis répéter, ses gestes. J'ai cédé, par impatience, j'ai voulu aller trop vite, j'ai perdu mon souffle, je suis devenu trop lent, tout s'usait, s'effondrait, moi qui me croyais trop unique et trop important en chaque chose, simplement parce qu'elles m'arrivaient.

J'ai eu une enfance comme beaucoup d'autres, vous savez : j'avais tout, je pouvais tout, c'est le souvenir qu'on en retient. Porté à la facilité, l'immédiateté de tout, ce qui advenant sans raison repart sans conséquences, ne console ni n'attriste, ni ne procure de connaissance sinon que des choses ont été, que certaines furent bonnes, d'autres moins, j'en garde cette certitude qui ne fermant sa main sur rien m’est une consolation sans limites. Cette excuse, cette joie consolatrice sont profanes ; la mémoire n'est pas une fin en soi mais le seul pays établi pour qu'on le quitte ; oui, mais ce qu'on ne quitte pas pour le corrompre finit par vous corrompre à son tour, il n'y a pas de choix, c'est l’illusion et la sottise la plus grande.

Parole réconfortante, nécessaire. MAIS LE SECRET PRESSENTI EST PLUS PROFOND. Tout ce que j'ai vécu aurait pu l'être à ma place : je n'y ai apporté de couleur en rien, ce n'est pas un manquement ni un reproche ; je n'ai rien fait qui n'ait été fait par obligation ou parce que j'y voulais trouver mon plaisir, qui est l'obligation la plus grande, la plus anonyme, ce n'est pas une faute. Il faut honorer ce qu'on aime, on ne sait jamais comment se soucier de vous. Comme ils sont embêtants les gens qui se soucient de vous, comme ils vous accablent sous leurs conseils, et la nuit console elle qui ne dit rien et ne désigne rien d'autre qu'elle.

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