Je prends tout et ne laisse rien

par Le Rouge-gorge, lundi 30 janvier 2017, 12:37 (il y a 2855 jours) @ Claire

Merci Claire, ton analyse est sincère et sans vilénie aucune.

Cela change d'autres auteurs qui critiquent sans mesure et non d'autre argument que l'anathème, l'invective et l'insulte, ce qui les disqualifient, ce qui fait que lorsqu'ils formulent une raison, il n'en demeure qu'une argutie.

Nous ne sommes pas forcément d'accord Claire sur tout, L'art a cela de plaisant qu'il est divers. D'autre part , c'est bien le risque, ici difficile de juger d'un poète sur un poème. Alors ci-dessous pour me racheter à tes yeux, d'abord un texte de moi (engagé puisque c'est de cela qu'il s'agit, même si je n'écrit pas que cela) puis un texte de Prévert daté de 1933...

Miettes

Miettes de l’astre au sein des jeunes filles,
l’homme perdra la vue s’il fixe mille soleils assemblés.
Écarquille tes yeux en couilles d’hirondelles,
l’ivresse c’était hier
à chaque coin de rue un demain disparaît,
tombe dans la folie, oublie ton amnésie,
ou alors gagne ton rêve
à la sueur de tes songes.
Tison de tendre solitude
est une drogue de sang brûlé,
un poison périmé.
Romps la ride sur ton front.
Casse le soupir enfant de tes silences.
Verse le rire armé de l’amour des fleurs de soie,
distille le dogme d’infidélité
dans l’organe du mouvement.
Nul n’a le droit de se laisser prendre au piège.
Bronze le sel au vent de liberté.
Éclabousse les mirages
de tes doigts d’écume d’offrande
aux dunes des jouvencelles.
Lance les pièces du roulement à billes
sur l’exocet du crépuscule humain.
Fronde le blanc
et les sept couleurs de la lumière.
Zéro,
oui revendique ta part au groin des militaires.
Répare les épaves des trottoirs éventrés,
par la boue des sales petits boulots.
Relève les naufragés des Titanics d’aujourd’hui,
ils sont,
l’horizon à franchir tous ensemble
et les mains
qui germent une paix tapageuse,
le lit de nos enfants
qui ne baissent pas les bras.
Ça fraternise un max !
Et Darwich est heureux,
la craie est toujours douce aux caresses,
du cercle de vie,
que l’on trace aux tableaux du demain.

Paru dans « 89 poètes pour 89 »
Fabrice Selingant


Poème écrit et joué en janvier 1933 (le jour où Hitler a été nommé chancelier)

L’Avènement d’Hitler : Jacques Prévert

Braves gens vous pouvez dormir sur vos deux oreilles
Dormez braves gens Dormez
Mais…
Krach… Krach… Krach….
Les banques de New York baissent leur rideau de fer
Les braves gens sont debout livides au bas du lit
Qu’est-ce que vous dites… Je suis mal reveillé
La bourse de New York va fermer
Comme c’est près New York. Comme c’est près…
Câblez… Câblez… Câblez
Ça va mal au pays de la prospérité
Ford demeure maintenant au rez-de –chaussée
S’il se jette par la fenêtre, on pourra peut-être le sauver…
Ça va mal …
Le bourgeois pleure des larmes et grince des dents
Il devient de plus en plus méchant…
Comme ce grand homme mythologique
Qui n’était sensible qu’au talon
Le bourgeois n’est sensible qu’au fric
Même quand on lui joue du violon
Il tuerait bien tout le monde pour garder sa maison
Mais il ne peut pas tuer lui-même
Il faut qu’on croie qu’il est bon
Alors il cherche un homme. Comme Diogène
Alors il trouve un homme au fond d’un vieux tonneau de peinture
Hitler… Hitler… Hitler
L’homme de paille pour foutre le feu
Le tueur. Le provocateur
On présente d’abord le monstre en liberté
On le présente aux ouvriers
« C’est un ami presque un frère. Un ancien peintre en bâtiment »
Le moindre mal quoi !
C’est moins dangereux qu’un général
Un ancien peintre en bâtiment
Et maintenant
les quartiers ouvriers sont peints couleur de sang
Là-bas c’est Hitler.
Ici. Demain.
Si l’ouvrier se laisse faire
Ce sera Tardieu ou Weygand ou un autre
Travailleurs attention.
Votre vie est à vous. Ne vous la laissez pas prendre
Socialistes sans Parti Communistes
La main qui tient l’outil ressemble à la main qui tient l’outil
Serrez les poings
Travailleurs attention. Il faut matérialiser votre haine
Haïr. Lutter. S’unir. Voilà nos cris.
Plus que jamais
Prolétaires de tous les pays Unissez-vous !

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