deuils
.... j'écoutais la radio hier, il y avait une prof de philo qui était très perdue parce que parmi ses élèves de terminale, à qui elle avait proposé un texte de Spinoza sur la liberté de conscience, certains ont dit : "ils l'ont bien cherché". Et ils ont demandé dans la classe un vote, et la moitié de la classe était d'accord...J'écoutais aussi le président du Rugby Club toulonnais, un homme d'origine maghrébine qui a hissé le club au premier rang en partie grâce à sa propre réussite financière. Il a décidé qu'il y aurait une minute de silence au début du match de cet après-midi à Toulon, disant que son combat à lui avait été celui de l'intégration, d'apporter des choses à son pays, mais que sa fille aînée "en avait pris plein la tête à l'école" en septembre 2001, et que sa deuxième fille - il le savait - allait en prendre plein la tête à l'école elle aussi. Alors il voulait tout tenter pour éviter les radicalismes et pousser les jeunes issus de l'immigration vers une autre voie que cette mise à l'écart du pays .
Il y avait enfin un psy dont le nom m'échappe, qui disait que certes, nous étions tous en état de choc et bouleversés, et que se rassembler dans ces moments-là est une chose essentielle, mais qu'il ne fallait pas que cela nous amène à fonctionner de la même façon que ceux qui nous attaquent, dans le manichéisme, les amalgames et la diabolisation. Qu'il fallait continuer à réfléchir comme des gens civilisés.
Alors m'est venue l'idée que peut-être il y avait derrière tout ça aussi un malentendu autour de la question de la religion.
Pour les gens de Charlie Hebdo, et la plupart d'entre nous, la religion (catholique) est restée du côté d'institutions liées au pouvoir, à l'ordre, à des positions réactionnaires. Alors que pour beaucoup de jeunes musulmans elle est du côté des humiliés de cette société, de leur groupe d'appartenance qui subit racisme, rejet et freins à la réussite sociale. Ce sont des valeurs de résistance et de fierté face à l'humiliation, celles qu'ils vivent, celles qu'ont vécu leurs parents souvent.
Alors peut-être que les gens de Charlie Hebdo en caricaturant Mahomet avaient le sentiment de caricaturer une sorte de Pape super-réac (ou du moins ce qu'il peut représenter), mais ont caricaturé pour ces jeunes une figure paternelle autour de laquelle on peut retrouver sa fierté.
Et dans ce cas, alors oui, à cause de ce malentendu qui n'a pas été assez clairement perçu et éclairci, je comprends cette phrase : "ils l'ont bien cherché".
Ce dont je suis sûre c'est que si on veut que nos valeurs de liberté d'expression, de respect de la vie, de laïcité etc....prennent ou gardent sens pour certains jeunes, il nous faut faire l'effort de comprendre leurs valeurs, y compris religieuses, et admettre que la religion pour eux n'ait pas le même sens que pour nous, héritiers des "Lumières" et de la révolution française.
Ceci dit, qu'il y ait une guerre qu'il va falloir mener contre des gens aussi haineux et dangereux que le furent les nazis, c'est une évidence.
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