Soufre (intégralité du texte)
SoufreFin d'octobre 23. Elle tousse sans pouvoir s'arrêter. Laide. La petite madame Claude se sent laide. L'a toujours été. A présent, recroquevillée sur la douleur de ses os, elle est presque à la lie. Dans sa bouche âcre les gencives font mal;folle invincible, la danse souterraine claque ses dents dans la mâchoire. Les os se heurtent obstinément depuis ce fameux jour de printemps, ce jour maudit où tout a commencé. Si elle n'avait pas posé la question à sa mère, si elle n'avait pas eu de réponse, les choses auraient-elles été différente? Claude hausse les épaules. Tout avait commencé bien avant. De sa main droite la mort tend une offrande à un vivant qui s'effraie. Ou bien est-ce une femme? On ne distingue toujours pas ses traits..." Maman..."murmure Claude. Un sanglot l'étrangle. Elle revoit la duchesse bouleversée, elle d'ordinaire si intrépide, par cet homme plein d'exaltation qui, à genoux, la suppliait de financer une chapelle. "Notre Seigneur m'a parlé, commandé de venir vous voir..." Les plans dans ses mains tremblaient, chuchotaient comme une antienne de terreur et de remords à la petite fille, à sa mère. La peinture qui s'agripperait bientôt au mur de Kernascleden dansait déjà dans les yeux de l'architecte. Ce qui doit arriver arrive."O maman, sois en paix à présent, je la prends toute, c'est la mienne...ma danse..."Anne disparaît, soulagée on dirait, derrière de lourdes tentures. Elle a tant à faire. Claude serre les dents, reste seule face à l'armée des os grinçants:"Kernascleden...souviens-toi...", hulule un squelette qui vient de poser sa trompette. Claude pourrait en rire maintenant, peut-être...Plus la force. "Dernière danse de Claude" songe-t-elle avec une ironie pénible et son rire muet écorne à peine le coin de ses lèvres figées. Haut, très hauts, des chênes se penchent un peu, chantent en frissonnant. Encore un effort et la boiteuse, le tonneau à vérole comme raillent dans son dos les amis de François, la petite louchon en aura fini. Puisque jamais l'on ne peut rien changer à ce qui est écrit...
Louise est morte dans une pluie de feuilles froides...il y a un peu plus de cinq ans. Charlotte, sa petite lumière, Charlotte n'est pas bien. Vraiment. Les garçons et Madeleine vont mieux. Ils aiment le calme et le bon air de Saint Germain. Quant à Marguerite, qui ronfle si drôlement chaque fois qu'elle retrouve la haute chambre ronde de la tour Est, "elle a sucé mes dernières forces, songe la mère avec tendresse...ne me connaîtra pas." Incapable même de tenir dans ses bras le bébé, Claude parvient tout juste à se traîner jusqu'au fauteuil qu'on lui installe chaque jour au fond du parc, près de la flaque où ricanent les grenouilles.Pour quelques heures ne pas les entendre, eux tous, ne plus les voir... sentir seulement le ciel d'éther au-dessus d'elle et salé, venu de l'Ouest, le vent libre sur sa face...Voilà désormais tout ce à quoi elle aspire. Elle a fait ce qu'elle a pu. Dans son demi sommeil de fièvre parfois, rêve une fillette qui aimait courir. Jaunes les genêts sur la lande, si jaunes... Un souffle ranime en elle la révolte étouffée depuis longtemps. Elle aurait voulu qu'on la laisse là-bas... Son autre vie..."Ma vie vraie..." Etait-ce trop demander? "Dites-moi!" Claude parle à la buée du soir sur l'étang, aux mousses, à tout ce qui rampe et se tord sur terre, sous le temps. Infiniment, dans son silence familier, elle implore: " Dites! Qu'ai-je fait pour mériter cela?" elle répète à mi-voix, écoute résonner la question douloureuse, la seule vraie question. Pourquoi? La jeune fille n'a pas compris. Pourquoi l'avoir ainsi vendue, exilée si loin des siens?
Un papillon vient se poser avec un rayon couchant, papillon d'or et joie, et bat dans un pli jaune du taffetas pâle. Elle retient son souffle. Lentes et narquoises, rouges, blanches, bordées de noir, les ailes silencieuses relèvent un souvenir ténu. Oh, presque rien!...pas même un remords, une pensée, juste une impression, si vague... Lentement, Claude se souvient. Quelle joie ce soir de février! François l'avait prévenue : il dormirait à Manosque chez le consul. Fatiguée du chemin, de l'éprouvante installation du camp, d'une rumeur sur la famille du consul, encore une, elle allait se coucher, seule évidemment. Et puis un pan de la tente avait produit un bruit étrange, était retombé dans un très long glissement. La face blême, non, cireuse, François titubait, quémandant, plein d'effarement son prénom. Il avait besoin d'elle. Puis, quelle fièvre délicieuse! Claude se souvient: elle n'avait rien voulu, rien espéré, juste profité d'un accident. "O papillon fier..." Elle prie à présent. Elle n'aurait pas dû. "Je ne savais pas." Sa petite mourra bientôt sans rien savoir non plus. Claude pleure doucement dans le soir tombant. "La vie..." dit-elle, et voici que remonte, plus fort, le rire des grenouilles.
****
« Madame...Madame... » Hors d'haleine, il trébuche aux pieds de Louise sur le tapis mal déroulé et manque écraser le velours de la robe noire, éternelle, le lourd brocart du deuil. Agacée, Louise soupire. Le dédain bienveillant dont elle a toujours enveloppé ce bon serviteur déborde à peine dans le claquement impérieux de sa langue.
« Eh bien , Antoine ?...Antoine !!!... » Antoine se reprend ; l'indulgence dont il jouit auprès d'elle a ses limites. Depuis qu'il parcourt la France dans ses bagages, il a appris à connaître le pouvoir, la volonté féroce de sa maîtresse. Mieux vaut ne pas les contrarier. L'avancée têtue de la coiffe mal éclairée par une torche qui tremble dans l'air frais projette sur le haut visage inexpressif le bec d'ombre coutumier. Antoine relève les yeux. Cela fait quelques années qu'il s'est dévoué à cette femme. Il ne sait pas encore s'il l'admire plus qu'il ne la craint. Lorsqu'elle décide, ce n'est jamais pour elle et, confusément, Antoine approuve ; même quand elle coupe, brûle, défait. Jamais pour elle. Pour la France ? Peut-être pas. Pour eux, ses enfants. En vérité pour lui, son seul, François, son adoré. Ce n'est pas Antoine qui le lui reprocherait ; il la suit, l'informe, la sert. A quoi d'autre serait-il bon lui dont aucun fils n'a survécu plus de quelques mois ? Et Antoine sent dans sa poitrine s'émouvoir un reste de chagrin qui bouge encore. Au bout de sa course effarée, dans la froideur rieuse de l'hiver provençal, sans que quiconque s'en avise un instant, le temps de remonter jusqu'aux yeux de fer, il berce furtivement sa princesse à lui, emportée par les fièvres d'accouchement et leur petite Françoise morte sitôt née...Antoine est fasciné par l'inflexible détermination grise. Lui-même serait-il capable d'une telle constance ? Il se doute que madame Louise ne sera pas tendre. La fille du consul de Manosque n'est pour elle qu'un fruit à croquer, dont on jette la pelure...un beau fruit. Antoine a vu le regard appréciatif dont elle détaillait la jeune Péronne tout à l'heure. « Une de plus ! » a songé Antoine. Les femmes qui s'empressent autour du roi sont légion ; souvent trouvent ce qu'elles y viennent chercher, à moins d'être laides à repousser et ce n'était certes pas le cas de la jeune fille.
Il vient de comprendre, trop tard, que celle-là n'était pas du même tonneau. Mais madame Louise a désormais pour toujours, sous les voûtes de Reims, la tête qui résonne des musiques du sacre et les volutes d'encens s'élèvent jusqu'à la couronne de Charlemagne, entièrement refondue pour tenir sur la tête du géant qu'est son fils. Le « roi grand nez », comme le surnomme avec affection le peuple, est charmeur ; sa peau, lavée chaque jour au lait d'ânesse, ravit les plus belles femmes du royaume et celles d'Italie, on le lui a rapporté. « Une cour sans femme est un jardin sans fleurs, un printemps sans rose » a coutume de plaisanter galamment François.
« Madame...un grand malheur... » La voix d'Antoine tremble d'horreur incrédule.
****
Péronne devant la fenêtre de l'appentis ne voit pas. Ne voit plus. Ce n'est pas possible. « Ma volonté » songe-t-elle et c'est comme si elle jetait sottement sa parole, toute sa vie dans l'écho d'une bergerie vide. A envie de rire, de pleurer, de rien. Un rictus lui retrousse les lèvres dans le froid de janvier. Sans comprendre elle parle, sans plus savoir parle, se moque de la gigantesque farce de la vie . Une mésange est sur l'arbuste tout sec de boue devant elle, un peu à sa droite. Joli, le plumage est joli. Jaune et bleuté, cerné de noir délicat. Ébouriffé vif. La chaleur du duvet clair existe ; étrange, devient brusquement la seule justification possible du jour qui s'est levé, la seule en vérité avec la naissance des deux agneaux de la Sarde ce matin. « Ta volonté ! » répète-t-elle, amère mais déjà il n'y a plus personne pour l'entendre. Elle tourne sur ses talons comme une mécanique. Le bruit du moulin l'oppresse,l'emplit. Pense au déversoir tout proche. Leau libre s'étend, coule et s'enfuit. Mais en elle, non, rien ne cède, ne se répand. Il faut faire quelque chose, mais quoi ?
Qu'y aurait-il à faire ? Elle a vu ce qu'elle n'aurait pas dû : Jeannette, sa chemise dénouée, le sourire gourmand, vivant. Vers elle Pierre tendait le bras. « Ton Pierre... » lui redit la voix qu'elle a déjà tenté de noyer dans l'abreuvoir. Elle s'interdit de penser plus loin. De penser. L'eau ruisselle sur sa face,la trempe tout entière, ne peut rien effacer. Jamais. Le drap légèrement safrané de sa robe d'apparat lui enserre les jambes. Coupées. Blanc pur le ciel si haut. Ma volonté ! Trop pure, si forte... Pourquoi moi ?
Elle aurait pu être laide, pauvre, sotte, boiteuse et seule. Elle aurait pu. Elle est belle, riche, pas idiote et si elle a mal parfois au genou, elle marche droit. « Je marcherai toujours droit ». Chacun sa croix. Elle n'a que seize ans, questionne le hasard seulement : « Combien ? Combien de temps encore ? » Sa face brûle, l'eau dégouline infiniment, froide. Quelqu'un l'entend-il là-haut? L'oiseau peut-être. Péronne retombe à genoux, secouée de grands frissons Ne peut s'arrêter. Hoquette. Pourquoi a-t-elle résisté, fui jusqu'ici, regardé ? Le hasard. Aurait pu ne pas être. Elle se dresse encore inutile. Vacille au-dessus de l'auge grasse, de pierre. Que le soir est laid ! Les journées à venir, laide et puis laide encore...Non ! Jetée à genoux elle heurte du front, durement, le fond de l'auge. Ne sent plus rien. L'eau aveugle. Au dedans, Péronne bout. Non, jamais elle n'admettra rien. « Je suis moi!" Son front saigne à présent. Elle étouffe d'eau et de froid." Il ne me restera rien jamais sinon moi. »
Péronne se rappelle la honte qui longtemps l'a taraudée. Car depuis toujours, il lui semble, elle méprise Jeannette. Pas pour sa pauvreté, oh non , mais pour l'appétit féroce, terrifiant et surtout l'abandon un peu veule qui sourd de la fente de ce regard. Jamais ouverte vraiment, jamais fermée, la paupière à l'affût. Péronne s'accusait de mauvais sentiments, combattait avec rage son instinct. Voici que la plaque glacée glisse affreusement sur ses yeux, le long de ses joues et descend, affreusement rabote tout l'humain d'elle. Agir. Faire quelque chose. Mais quoi ? Tout brûle et dedans et dehors. Quelque chose...Faire! Se lève. Folle titube et s'abat près des foulons où sous les osiers gonflés des pièces de drap à blanchir se consume, dans les charbons patients, le soufre qui purifie tout. S'il est vrai que comme le lui faisaient redouter ses longues craintes, ses lents espoirs, cette terre n'est qu'un étau impitoyable, où l'on s'amuse à forger l'homme , alors à quoi bon résister? Le bruit infini de la rivière tout près, qu'elle a si souvent regardée le lui assure: tout passe toujours, c'est écrit. Le flot pousse le flot : il faut aller, c'est égal, elle aujourd'hui un autre demain. Elle aurait voulu pourtant....Et sous la voûte du piteux torchon mouillé qui sans merci retombe, enserrant ses épaules, elle jette au foyer sa face trempée de l'horrible vision. Purifier. Ma volonté. Je ne veux plus rien. Oublier . Oublier. Seulement ne plus penser...ne plus sentir...
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Antoine est arrivé trop tard. Comment prévoir ? Il a fait ce qu'il a pu. Crié à l'aide, couru vers les arceaux où sèchent au soleil froid les draps des fumigations de soufre. Madame Louise l'a chargé, comme toujours, de surveiller la dernière toquade de son fils. Par habitude, elle avait tout organisé de l'honneur réservé au consul de Manosque. François devait passer la première nuit sous son toit afin de l'honorer !
Vivement Antoine a retiré la malheureuse des charbons ardents, l'a allongée sur le pré. Il a déjà sous les yeux la vilaine grimace de contrariété de madame Louise lorsqu'il fera son rapport. D'un seau puisé à l'abreuvoir il arrête la combustion de la face qui, horriblement, fond encore un peu, se boursoufle.
Des pas précipités depuis l'appentis en contre-haut. Une fille paysanne et le berger ami de Péronne. Il hurle son nom, dégringole la pente, agrippe la main frêle et supplie mais le drap aux reflets de safran foncé, le drap mouillé qui se soulève à peine n'entend plus rien. Et tandis que sur un brancard improvisé de drap blanc ils ramènent vers Manosque le corps mutilé, Antoine console le garçon en sanglots, lui vante la fierté, la haute pudeur de son amie. Par petites touches, par bribes que l'honnêteté et la honte aussi lui arrachent, il évoque, sous le regard brûlant de François et son rire de jouisseur sans malice, sans brutalité aucune, l'effarement de la jeune fille, sa fuite résolue hors du camp royal. A cette fierté Pierre acquiesce, gravement : « Oui...oh oui...je sais... »bredouille-t-il, douloureux. C'est curieux, il semble à Antoine que le jeune homme s'apaise, presque soulagé de ses précisions. Le factotum de la reine mère marche à présent d'un pas régulier, réglé sur celui de Pierre . Il se refuse à penser plus avant. Que pourrait-il faire encore ? Son rapport. Tout le reste est superflu.
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Un rai de soleil soudain a paru et le grand bleu du ciel inonde Manosque, les prés, les bois et l'eau fraîche d'une rivière de Provence.En cette fin d'après-midi de février, la sœur aînée du roi de France peste contre la terre dégelée qui s'agrippe en boue visqueuse au bas de sa robe. Sa mère l'a envoyé chercher . Qu'a encore fait leur grand dadais ? Ce coutumier des bévues est sans doute en train de ronfler. A tant boire, manger, s'agiter à la chasse des bêtes ou des femmes, le voilà, pour un temps au moins, inoffensif. Le soir déjà s'insinue entre les tentes et la duchesse d'Alençon distingue tout au bout du camp, dressée à contre-jour, celle de Louise et qui proclame, haute, noire, dissuasive : Celui-là est mon fils, que nul ne s'attaque à lui ! Marguerite voit, sous le lourd pan de la toile, se faufiler, son sac de cuir en avant, une silhouette qui ne quitte plus guère Louise . Jean de Bourges, le médecin, officie à la cour depuis des années. Il avait la confiance de Louis le douzième et le jeune François n'a eu, jusqu'à présent, qu'à se louer de ses services. C'est un homme taciturne, réfléchi, qui soupèse avec prudence la valeur des choses et des êtres. A le voir s'éloigner hâtivement vers la cité, Marguerite pressent qu'un problème a surgi. La face ravagée d'Antoine conforte ses craintes. Louise de Savoie, le dos tourné comme elle a coutume d'être lorsqu'elle tâche à contenir sa colère, triture de la main gauche l'extrémité de son voile tandis que sa main droite accroche, à l'endroit où les contrariétés l'ont peu à peu aminci et adouci, l'épais drap de laine noire de sa jupe. Plus que la maigre torche fumeuse en contre-haut, le brasero devant lequel elle se tient projette autour d'elle des lueurs dangereuses. Antoine, le cou rentré dans les épaules, attend la bourrasque. Dans cette tension Marguerite avale une pénible goulée d'air, sent qu'elle a trop chaud et combien la vie est toujours plus laide qu'on l'a imaginée mais il faut marcher, qu'y puis-je ? Elle expire posément et de sa voix la plus neutre : « Mère, vous m'avez fait appeler ?» En quelques phrases lapidaires tout est dit. Une petite sotte s'est jetée dans le feu pour échapper aux ardeurs du chasseur. Elle n'en mourra probablement pas. Il s'agit d'aller voir les parents. Il faudra les dédommager. Doter la fille. Marguerite ne comprend pas . Ce n'est pas la première fois. Jean de Bourges se charge d'ordinaire seul des suites de ce genre d'affaire ; il a la confiance de la reine mère. Celle-ci s'impatiente d'un claquement du palais et crache son dépit : c'est la fille du consul Voland qui les a accueillis à Manosque tout à l'heure et chez qui François devait coucher pour honorer sa demeure ! Marguerite se rappelle le visage frais, la force rayonnante de la jeune fille, la fierté tranquille de sa révérence . Elle l'avait écartée d'emblée de la liste des préoccupations. Celle-là ne pouvait pas leur nuire : pas assez rouée, elle n'avait pas d'arrière-pensées. Et puis Louise de Crèvecoeur, la ravissante épouse de Guillaume de Bonnivet suit la cour ! François, pour lui plaire, se passe du lait d'ânesse sur le corps, se lave plusieurs fois par jour. Après Marignan, le héros n'a pensé qu'aux fêtes, à ses maîtresses et au plaisir de ses compagnons d'armes dans les débordements de la piccola banda comme l'ont surnommée les ambassadeurs italiens. Mais voilà : ce noceur n'en a décidément jamais assez. Du coin de l’œil la duchesse d'Alençon observe sur la face tendue d'Antoine un vrai chagrin qui la trouble. C'est un luxe qu'elle ne se permet plus depuis longtemps mais déjà elle couche dans ses papiers la jeune fille de Manosque, cette héroïne de conte. Un jour, elle rendra justice à la force de cette enfant, à la pureté de son geste qu'elle a du mal à ne pas admirer. Marguerite songe qu'elle aurait pu avoir une sœur; scrute, étrangement remuée, l'émotion du factotum et lâche presque malgré elle : « Pauvre petite... »Mais Louise balaye tout d'un revers du bras qu'elle tend sur le brasero. « Allons, ça n'était jamais qu'un papillon... » Sur le tissu noir un infime éclat d'étincelle a fusé qui s'éteint aussitôt. « ...ils brûlent tous à la flamme ! » Et le feu sans pitié éclaire le menton jaune qui s'empâte. La reine mère a tranché.
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