Petite liste amusante de risques à l'usage des poètes

par zeio, samedi 02 janvier 2016, 03:15 (il y a 3045 jours)

- Se moquer de soi-même le soir, avant le repas, pendant, et après si possible. En fait, tout le jour durant. Le point culminant de cet exercice doit se situer le matin au réveil, quand le rêve n'a pas encore totalement foutu le camp et que le bras gauche est légèrement endolori.


- Écrire, si on le souhaite. Mais sans faire dans la poésie. Sans faire dans la littérature. Ces deux concepts sont des boulets atrophiants dont il s'agit de s'affranchir. Ne pas hésiter à dégrafer son soutien-gorge devant la page. Elle ne mordra pas l'écrivain. Le livre, au contraire, doit mordre le lecteur. Sinon, la page peut à la limite servir de papier toilette si elle n'est pas composée de papier gaufré. Ne pas écrire tout ce qui nous passe par la tête comme on l'enseigne dans les ateliers, écrire plutôt ce qui se passe autour. C'est beaucoup plus vivant et intéressant. Le meilleur ne vient pas de soi.


- Prendre une certitude quelconque. La placer sur la table de chevet. La fixer de longues minutes, jusqu'à ce qu'elle prenne une teinte légèrement plus pâle qu'à l'ordinaire. À partir de là, elle ne fera pas long feu. Une fois évaporée, remplacer la certitude par une autre et répéter l'exercice : au bout d'un certain nombre de tentatives, il sera constaté que la surface membranée deviendra frêle, transparente, on pourra y distinguer des lèvres, des yeux, qui vous dévisagent en riant. Ces lèvres et ces yeux ressembleront peu ou prou à un visage d'enfant. Si vous avez de la chance, pendant un court instant vous croirez vous y reconnaître.


- Si, après l'écriture d'un poème, vous n'éprouvez pas le désir de rire, de boire un verre, ou de fumer une cigarette, alors c'est qu'il est raté. L'écriture doit être un plaisir, non pas un labeur atroce. Débroussailler le tout, se délester, surtout, se délester encore. Être aussi lourd qu'une montgolfière ou qu'un zepppelin.


- Concernant les activités extra-littéraires : favoriser le bilboquet à l'auto-hypnose.


- Garder un fond de générosité. Ne pas écrire comme on entre en auto-thérapie. La théorie de l'auteur qui se soigne par l'écriture est une foutrerie égoïste et inefficiente. Il appartient au contraire à l'auteur de soigner le monde.


- Se procurer dans une épicerie ou un supermarché un fragment de peur, généralement, entre le rayon des biscuits et celui des liqueurs. On le placera chez soi, aux endroits les plus usuels : par exemple sur le gros coussin posé sur le siège, lui-même positionné devant la télévision. En cas de doute, ou si le coussin est occupé par le chat, glisser le fragment dans le lit, sous la couverture, au niveau des pieds : on sera sûr de ne pas le rater. Il fera son œuvre.

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