Une terrible beauté st née

par Chrys, mercredi 29 mars 2017, 08:03 (il y a 2605 jours) @ zeio

Comme tout tremblant on offre un bouquet de fleurs, je dépose en partage un texte écrit il y a longtemps à partir d'un vers de Yeats. Ce sera peut-être un pensum, je prends le risque,auquel cas je m'excuse de vous l'infliger, mais chacun est libre de passer son chemin, de ne rien dire s'il ou elle a la flemme, de râler aussi ! Je devance les critiques : hyper classique, lourd, indigeste, démonstratif, pompeux, psychothérapie à 2 balles ;)
Mais il m'est venu à l'esprit en lisant le texte de Zeio ( bien plus subtil et universel ), avec aussi des images du film La route.

Cela n'apportera pas grand-chose, si ce n'est un vague écho. C'est juste pour dire quelque chose sur cette humaine Consolation qui m'a touchée. Pour dire mon Plaisir du texte, et je ne sais pas faire mieux que Barthes.
Un autre écho, d'un auteur sombre souvent : Stig Dagerman , Notre besoin de consolation est impossible à rassasier.

Alors voici mon texte :


Eugénie ouvre les yeux. Elle aime ne pas se lever aussitôt réveillée, se prélasser dans l'émerveillement initial du lieu choisi pour ses échappées, la clairière et son ruisseau d'eau transparente, les pépiements d'oiseaux, les grappes violines des digitales.
Mais ce samedi-là, un silence lourd de présages et de souvenirs régne. Elle se sent envahie par cette impression bien connue de catastrophe, qui la fait se réveiller parfois en sursaut, comme piquée par une aiguille. Elle devine qu'aujourd’hui rien ne rit ni ne chante. Par la fenêtre elle entrevoit les hauts sapins noirs qui lui semblent être des figures d'ogres. Dans les formes des nuages, elle croit voir le tableau effrayant de Saturne dévorant ses enfants.
La bien-née ! Un prénom prometteur. Son frère jumeau n'avait pas même eu le temps de porter cet autre prénom glorieux prévu pour lui, du nom d’un ancêtre paternel. Même pas un soupir pour Victor, le mort-né.
Tu l'as mangé, avait dit un jour la mère, sans explications. C'était une femme implacable aux mains sèches.Le médecin-accoucheur avait dit que la petite avait pris toute la nourriture dans le ventre de sa mère, qu’il ne restait rien pour l’autre bébé.
Souvent Eugénie rêve qu'elle tombe, se relève, titube, appelle à l'aide- qui ? peut-être Victor.
Mais elle est seule, comme chacun finit toujours par être seul un jour. Et souvent elle tombe réellement, sans raison dans la rue, dans les couloirs bondés du métro, sur le carrelage chez elle, ou tout bêtement dans l’escalier, en portant les courses, ou en trébuchant sur une roche en randonnant.

Depuis quelques semaines dans le fracas du monde on assistait à un fort beau spectacle sur les écrans : des astrophysiciens de l'Institut de Mécanique Céleste avaient détecté une géante gazeuse. Des images psychédéliques défilaient. Tous, poètes, photographes et rêveurs étaient dans l'euphorie de la nébuleuse.

Tout est changé, changé absolument :
Une terrible beauté est née


Pas de risque que cette nouvelle planète ne vienne percuter sa mère la Terre, dit-on. Pas de cataclysme prévu avant des millions d'années.
Ce samedi-là, c’est le dernier jour de l'été. Étrange souffle de vent, ballets d'oiseaux affolés dans le ciel devenu métallique, craquements d'arbres rompus. L'obscurité tombe, coupée d'éclairs. Le ruisseau chantant devient torrent boueux.
A peine le temps d'avoir peur.

Fil complet: