envie (suite)
Une unique ampoule électrique pulvérise sa lumière blafarde sur les vieux murs sales peints en vert. Ta cave est ton atelier ; c’est là que tu passes la majeure partie de tes journées – et parfois de tes nuits, quand tu ne vas pas errer parmi les ombres. Sur ton établi sont alignées en nombre considérable des poupées de chiffon hérissées d’aiguilles. Très joli, vraiment. Voilà que tu prends de nouveaux lambeaux de tissu putride. Aurais-tu une idée derrière la tête ? Ça m’étonnerait. Pas une idée, mais une pulsion – chez toi, c’est l’instinct qui parle.Beau travail. Quatre nouvelles poupées. Deux grandes, masculines. La troisième est plus fine, affublée d’une parodie de chevelure jaune. La dernière est minuscule. Tes démons d’aujourd’hui, que tu ranges aux côtés des autres effigies poussiéreuses – tes ennemis d’hier. Tu regardes longuement tes chères œuvres. Puis tu prends celle qui représente le jeune homme, tu la serres dans ta main et tu lui plantes une grosse aiguille dans le cœur. En même temps tu récites à l’envers un Pater noster. Pas si mal de la part d’un arriéré. Il faut dire que tu ne manques pas d’exercice.
Toute la journée tu les regardes emménager dans la vieille ferme. Plusieurs camions sont venus décharger des meubles, des cartons, des appareils et des objets dont tu ignore l’usage et même la fonction. Il y aura beaucoup de travail pour restaurer cette vieille baraque, depuis le temps que personne n’y a habité. Ça remonte à l’époque des parents de ton petit camarade. Je me rappelle avec émoi la joie qui fut la tienne au moment où ta voisine, sa vieille pourriture de mère, y est enfin passée à son tour – sans doute l’une de tes dernières vraies émotions.
Ensuite, ce sont les camionnettes des entrepreneurs. Ils parlent dans la cour avec le parigot. Ils étudient la façade de la ferme, et leurs grands gestes évoquent réfections, agrandissements, modifications en tout genre. De l’agitation et du bruit en perspective pour toi. Ces ordures doivent avoir de l’argent pour se permettre tout ça. De l’argent. Tes yeux brillent soudain d’une lueur un peu moins fade qu’à l’accoutumée, tes doigts se crispent. L’aspect bestial de ta physionomie s’en trouve accentué.
De temps à autre la jeune femme apparaît, son bébé dans les bras. Elle salue les visiteurs, parle à son enfant, lui montre les fleurs, le ciel, les arbres. Je sais que tu les hais. Surtout la femme. C’est bien.
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15/09/2015, 11:25
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julienb,
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- paresse (un début) - julienb, 18/09/2015, 22:17
- (Un autre début) (Mais qui finit bien) (Pour une fois) - Rémy, 20/09/2015, 13:06
- paresse (un début) -
zeio,
15/09/2015, 12:53