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par vagabond vagabondant, mercredi 20 janvier 2016, 14:05 (il y a 3232 jours) @ Claire

oh, c'est vrai. sans être pourtant particulièrement dixneuviémiste, je suis très attaché à leur souci du beau ; souci qui se perd souvent depuis un bon siècle, qu'on a cruellement déconstruit, de la même manière qu'on a souvent sapé le souci d'oeuvrer, d'élaborer une grande oeuvre, qui fasse toute entière sens, qui capte, structure, accorde, clarifie une véritable intuition du monde : au profit du fragment, du bégaiement tragique, de l'obsession de l'absurde, de la négation gratuite, de l'humour nihiliste, etc.

je ne me retrouve pas non plus dans la plupart des performances (concept que je trouve, dans sa dénomination même, artistiquement inintéressant), non plus que dans la majeure partie de ce qu'on appelle "installations", que je trouve souvent assez ridicules, vaines, conceptuellement branlantes ; qu'en définitive je n'ai même pas envie de comprendre.

je cherche la synthèse du lyrisme (qui à mes yeux demeure le meilleur moyen d'écouter la nature en soi) et du sentir (ces intuitions fulgurantes en lesquelles, par surprise, le réel se communique vraiment, dans toute sa pureté) : c'est ainsi que je comprends l'art poétique : un rapt, un ravissement, une manière, par le langage, de se convertir à soi-même, de sentir sa pensée, d'être présent érotiquement à ses idées et spirituellement à son désir. cette promesse mystique, j'en conviens, est assez inactuelle.

je n'ai pas un grand souci du monde dans lequel je vis, que je trouve dans ses grandes lignes déshumanisant, déshumanisé, mécanique. ma poésie est donc, en un certain sens, réactionnaire : mais d'autre part, je ne vis pas au dix neuvième et ne cherche pas à y vivre. elle est réactionnaire en ce sens qu'elle en appelle bêtement à la nature : mais en appeler bêtement à la nature, c'est en appeler bêtement à sa nature, à sa façon de vivre ce qui transcende l'ordre des contingences et des lieux communs ; c'est en appeler bêtement à l'esprit. c'est prier, c'est se convertir. Dieu est au bout de mes lèvres païennes, mais il est encore muet.

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