ceci est un socle pour un objet noir

par catrine @, dimanche 10 juillet 2016, 18:46 (il y a 3060 jours) @ &raven

Avertissement :
ceci n’est pas une thèse. s’il semble s’y former une théorie, je vous prie de bien vouloir l’envisager comme on envisage une nouvelle forme de nuage.




I
de la trajectoire, ses segmentations
(des rayons au sensible)

1) de la découverte:
il n’y avait pas, au départ, l’idée d’une direction à proprement parler mais plutôt quelque chose qui tient d’avantage de l’élan et de l’allant, élan et allant dans l’enjambée, le saut, le lancer, le pas, mouvements de l’écrire. ayant découvert plus tard que la “trajectoire” d’un moment d’écrire n’était jamais décidée que par l’objet lui-même (l’objet étant l’écriture elle-même), la véritable découverte vint par le fait que j’avais beau vouloir décider d’un climat ou explorer tel sujet, l’écriture menait, décidait et traversait: si l’écriture menait, alors il me fallait accepter que l’écriture se décide et s’exprime par elle-même, donc abandonner [vouloir] et toute forme du vouloir, mais aussi accepter que l’écrire passe au-dessus, plus haut que [moi]. je ne me demandai pas vers où et quoi tel élan ou allant, découvrant au fur et à mesure, mais je sens que [ici maintenant], bien que tous les essais ne soient pas tout à fait d’égale qualité, tous ont une sorte de poussée vers… une ouverture, quelle qu’elle soit.

2) de l’approche :
si l’écrire lance un objet dans l’espace ouvert devant – ou en quelque direction, même derrière mon épaule – l’objet figure une bille ou une pierre; un morceau de bois une boule de papier; une seule seconde ou des milliers; une flèche un crayon; des étamines ou de la neige; un organe, une minuscule cellule; un crâne une planète; un son une couleur (que ne lance-t-on) – l’objet, bien qu’il tienne de l’écrire et du souffle, n’est qu’un objet que l’écrire lance/projette/propulse vers. la trajectoire quant à elle, est déterminée partiellement par le poids accordés à l’objet, poids du sens lors de son évocation, et par la manière de le balancer/calibrer/équilibrer ou déséquilibrer/déconstruire.

2.0)
si l’instant est un arc sensoriel et propulseur, et que s’y centre l’objet de l’attention du moment, la concentration et l’arc décident de la cible du/des sens.

2.1)
si la trajectoire n’est décidée que partiellement par le poids accordé et la concentration même dans l’instant (dans l’écrire), c’est qu’en (grande) partie cette trajectoire ne peut s’accomplir sans l’ouverture d’une brèche (ou fenêtre) dans la réceptivité du lire. ainsi chaque lecture donne ou ajoute une impulsion, ou arrête l’impulsion avec un “bouclier”.

3) du constat:
à la longue, certains élans se recoupent ou se regroupent, font leur propre théorie des ensembles, assemblant les cordes des arcs pour qu’elles résonnent entre elles à leur manière – manière qui ne tient pas nécessairement compte des catégories mais les traversent et les accordent souvent. il s’agit de reliant, intérieur-extérieur, puis extérieur-intérieur, mouvant depuis l’écrire jusqu’au lire, dans le but précis de maintenir en mouvement, donc mobile, tout aspect interpellé, fut-il extérieur – objet du monde – ou intérieur – affect, pensée, résonance.

II
de l’incertain, ses possibles et probabilités (du sensible aux rayons)

1) la pratique du sens :
de l’incertain il y avait au départ l’idée de son hyper-relativité subjective, puis du malléable de sa matière/pulpe, donc sa capacité de transformation – capacité intrinsèque de l’incertain même. ainsi, je le pensais, il n’y aurait eu qu’à avancer dans cet incertain en l’acceptant tel quel pour que de ses miasmes dispersées, de ses brumes, ses flous et diffus, la silhouette d’un corps de sens apparaisse, se divulguant peu à peu comme un clocher en plein brouillard, un navire sur la mer, la tour dans la forêt indistincte, que le vent preste dégage ou dévoile en partie un fugace moment. dès lors on aurait-on pu croire au moment de l’apparition qu’elle n’est pas telle qu’elle se représente de prime abord, qu’elle glisse dans d’autres formes (comme les mirages mouvant peuvent l’emporter sur la pensée) faisant croire à l’existence d’une forme x dans un contexte précis alors que rien de tel n’existe, sollicitant d’abord l’imagination puis le rationnel, pour finalement réaliser une toute autre forme, soit concrète (repère extérieur solide/tangible), soit abstraite (repère intérieur d’un affect/impalpable), soit une juxtaposition des aspects concrets et abstraits … mais, à force d’observations il appert que les formes émergentes ajustent leurs formes d’elles-mêmes depuis la position et le contexte du perceveur, depuis le perceptif même du perceptif vif de la sensorialité ou d’un système sensible, c’est à dire que la forme émergente sera variable en fonction des valeurs et des codes imprimés/absorbés dans/par le système sensoriel du perceveur, comme sculptée par lui, et que même sa rationalité aura une “teinte” qui lui est propre (donc subjective). il me fallait non plus seulement surmultiplier les angles et les ouvrir depuis le coeur même d’un incertain (tout en le protégeant) pour couvrir tous les rayons, mais simultanément le cerner et le circonscrire comme on trace d’un cercle le pourtour d’une cible afin que tout perceveur ou presque puisse en arriver à une forme de réception relativement égale à la relativité subjective des perceptions que je rencontrai… seulement, était-ce possible…

2) et d’une philosophie :
l’incertain se contient; rien n’émane vraiment de lui qu’au moment où il est atteint, et atteint il se transfigure immédiatement. l’incertain contient sa propre incertitude – ce qui le place dans l’ambivalence plus que dans l’inquiétude – en même temps qu’il contient un présent – autant ce présent du temps [de l’ici maintenant ] que celui offert contenant une surprise, une découverte, un inattendu (la source de l’étonnement).

3) mais du risque :
de ce point de vue, choix d’angle de regard et d’approche de l’incertain même, peu à peu se dessine dans l’entendement que j’ouvre toujours un peu plus, ce qui pourrait ressembler à une antidote au grand culte du Vide né du néant des Nietzschéens, ou du surplein d’un dieu quel qu’il soit, promettant plénitude sur un plan “hors vie”, donc après la mort uniquement (inutile à tout vivant qui qu’il soit), ou y promettant mille tourments (non nécessaires au bien être des vivants qui qu’ils soient). donc l’incertain, hors des aspects confortables de la pensée matérialiste, hors de la finitude du grand Rien, pourrait faire office d’agent dégageant, libérant des espaces et les aménageant peu à peu hors du “défini fini” tel que l’Histoire de l’Homme l’a jusqu’ici décrit et prescrit. il y a évidemment une pointe d’humour dans cette formule, et un dégagement très certain et senti, pressenti comme une nécessité de l’époque. ni aplomb ni fuite, mais l’apprivoisement de territoires non déterminés, n’appartenant qu’à eux-mêmes, ne s’ouvrant que lorsqu’une ouverture y est rencontrée, comme si les possibles ne pouvaient s’aboucher, se transmettre, se partager, que par la seule condition de l’ouverture, dans sa réciproque…


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extrait d'un essai : l'être et le sens au présent de l'incertain, une approche. part II.
© Catrine Godin 2012

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