Macron, franc supporter de l'anarcho-capitalisme

par Ecrire, mardi 25 avril 2017, 12:18 (il y a 2770 jours) @ zeio

L'économisme identifie le basculement du libéralisme tempéré par la loi, laquelle était issue du cadre démocratique actif dans un Etat souverain (lequel présentait une dimension sociale affirmée, notamment dans une perspective de pacification), à l'ultralibéralisme, qui dicte la loi à des Etats ayant par ailleurs perdu leur souveraineté.

Entre parenthèses, la démocratie peut-elle conserver une quelconque substance dans un Etat qui a perdu sa souveraineté ?

Dans "La gouvernance par les nombres" Alain Supiot explique ainsi que nous sommes passés du :


(…) libéralisme économique – qui plaçait le calcul économique sous l’égide de la loi- à l’ultralibéralisme, qui place la loi sous l’égide du calcul économique. Étendu à toutes les activités humaines, le paradigme du Marché occupe désormais la place de la Norme fondamentale à l’échelle du globe. Le capitalisme a ainsi muté en un anarcho-capitalisme qui efface les frontières, soumet les Etats et démantèle les règles protectrices des trois marchandises fictives identifiées par Polanyi : la nature, le travail et la monnaie. La nécessité de ce démantèlement est assénée quotidiennement par cet équivalent moderne de la prédication religieuse que sont les grands médias. Un tel démantèlement ne peut pourtant conduire qu’à l’effondrement du système, car la fiction consistant à traiter comme des marchandises la nature, le travail et la monnaie n’était tenable que dans les cadres juridiques nationaux, qui en cantonnaient les effets destructeurs.

Comme toute idéologie ayant perdu le sens de la limite, l’anarcho-capitalisme est condamné à trouver sa limite catastrophique. Celle-ci advient lorsque les représentations mentales ignorent le principe de réalité et son rattrapé par lui. L’implosion financière de 2008 nous a donné un avant-gout de cette limite catastrophique, en dépit du tour de force qui a consisté à en tirer argument pour hâter le démantèlement de l’Etat social. Il est prévisible que ce démantèlement et l’imposition, au mépris du principe de démocratie, du règne sans partage du calcul d’utilité individuelle conduira à des violences inédites, qui se combineront aux désastres écologiques engendrés par la surexploitation des ressources naturelles. Car lorsque l’Etat n’assume plus son rôle de garant de l’identité et de la sécurité physique et économique des personnes, les hommes n’ont plus d’autre issue que de rechercher cette garantie ailleurs –dans des appartenances claniques, religieuses, ethniques ou mafieuses – et de faire allégeance à plus fort qu’eux. (...)



La gouvernance par les nombres
(Cours au Collège de France 2013-2014)
Alain Supiot

Paris • Fayard • Collection « Poids et mesures du monde »
• 2015 • 508 p. • 22 € • ISBN : 978-2-2136-8109-2

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