Question (subsidiaire ?)

par VeM, lundi 02 février 2015, 09:26 (il y a 3585 jours) @ zeio

Je ne comprends pas ce qu'elle entend par explorer des "possibilités de genre"? Il n' y a pas tant de genres possibles... il n'y en a que deux, non? trois si on inclut l'androgyne. Et l'exploration d'un autre genre que le sien, défini à la naissance, c'est possible, par le dialogue, par l'écriture, par l'amour.

Des siècles et des siècles de littérature masculine nous renseignent assez sur leur genre.
Et nous imposent ce qu'ils explorent, eux, de la féminité. Le fameux "Madame Bovary c'est moi".


Ce qui est intéressant c'est que des auteurs femmes le fassent, conscientes qu'elles le font avec un langage fondé depuis son origine, par le lexique, par la grammaire, par l'imaginaire, sur des codes masculins. COLETTE, DURAS, JELINEK - « la femme est femme en tant qu'être sexuel et doit se faire homme pour devenir être de parole » - (Le flotoir)



DURAS avait parfaitement saisi, me semble-t-il, ce que les mots, leur signifiant, leur agencement, véhiculent du monde masculin, et ce qu'il faut leur faire rendre pour approcher une autre matérialité qui serait essentiellement féminine,
pour Lol.V.Stein c'est un mot "troué d'amour":

J’aime à croire, comme je l’aime, que si Lol est silencieuse dans la vie, c’est qu’elle a cru, l’espace d’un éclair, que ce mot pouvait exister. Faute de son existence, elle se tait. C’aurait été un mot-absence, un mot-trou, creusé en son centre d’un trou, de ce trou où tous les autres mots auraient été enterrés. On n’aurait pas pu le dire mais on aurait pu le faire résonner. Immense, sans fin, un gong vide, il aurait retenu ceux qui voulait partir, il les aurait assourdi à tout autre vocable que lui-même, en une fois, il les aurait nommés, eux, l’avenir et l’instant. Manquant, ce mot, il gâche tous les autres, les contamine ; c’est aussi le chien mort de la plage en plein midi, le trou de chair. Comment ont-ils été trouvés les autres ? Au décroche-moi ça de quelles aventures parallèles à celles de Lol.V.Stein étouffées dans l’œuf, piétinées, et des massacres, oh qu’il y en a, que d’inachèvements sanglants le long des horizons, amoncelés, et parmi eux, ce mot qui n’existe pas, pourtant est là : il vous attend au tournant du langage, il vous défie, il n’a jamais servi de le soulever, de le faire surgir hors de son royaume percé de toutes parts à travers lequel s’écoule la mer, le sable, l’éternité du bal dans le cinéma de Lol V.Stein.
Le ravissement de Lol V. Stein DURAS


Parmi les auteurs femmes contemporaines, est-ce qu'il y en a qui ont cette même démarche ?

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