une soirée de poésie contemporaine

par Claire, samedi 01 avril 2017, 10:44 (il y a 2602 jours) @ Claire

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le soir même de cet échange j'étais invitée à une lecture de poésie contemporaine (ce qui ne m'arrive jamais), organisée par une revue : GPS. Il y avait des gens connus comme Julien Blaine, Jean Pierre Bobillot, Antoine Simon, et les étudiants de première année de l'Ecole d'Art et de Design de Toulon. J'ai passé une bonne soirée, l'assistance était assez nombreuse, ce qui m'a surprise. J'ai navigué entre irritation, voire horripilation, plaisir, questionnements, réflexions.

Ca commençait par une conférence de Jean Pierre Bobillot sur les "media" (pris comme pluriel de medium) de la poésie, puis de l'art: la bouche, l'air, le papier, la main, l'encre, la voix, l'internet, pour en arriver au Mont Rushmore, barre rocheuse qui pour les indiens incarnait un mythique Grand Père, avait ensuite servi de matériau pour sculpter les visages de premiers présidents américains et célébrer la conquête de l'Ouest, en face desquels les indiens ont exigé que soit sculpté (plus grand) Crazy Horse. Se rajoutait le cinéma, Hitchcok, qui installe Cary Grant dans une des narines monumentales et voulait l'y faire éternuer, ce que les ligues bien pensantes de Hollywood ont empêché. En fait, la conférence conduisait à des "performances" qui exploraient ces différents média, et ce n'était pas inintéressant. (pas bouleversant non plus).
Il y a ce que j'ai aimé :
- une performance des étudiants, imaginée autrefois par Tristan Tzara : une dizaine, assis en ligne à une table, barrent au fur et à mesure sur une feuille une liste du même mot : "hurle", que répète le "meneur" du jeu. A certains moments très précis, l'un ou l'autre ou plusieurs en même temps disent le mot, avec des intonations et des voix forcément différentes. L'ensemble forme une sorte de polyphonie vraiment belle, rythmée. Personne ne hurle.
- un texte moitié dit moitié murmuré par Maxime H. Pascal (une femme), très rapide comme presque tout ce qui s'est lu ce soir-là, avec une forme de ligne mélodique, qui semblait vous rentrer en serpentant dans l'oreille jusqu'à ce que vous cessiez de vous accrocher au sens et vous laissiez seulement pénétrer par certains mots.
- une vocifération par Cédric Lerible, caché par une porte qu'il tenait d'une main et frappait violemment de l'autre, image des migrants aux portes de l'Europe qui réclament d'entrer. Quelque chose au bord du ridicule, qui n'en était sauvé que par la violence des coups et des cris et notre connaissance de la réalité, de ce qu'on voit jour après jour sur nos écrans. Sauvé aussi pour moi par ce que je connais de la poésie écrite belle et subtile de Cedric Lerible.

- ce qui m'a d'abord exaspérée, puis qui m'a quand même intéressée : deux performances de Julien Blaine, une filmée qui s'appelle "l'Ecfruiture c'est le pied", où il finit par écraser pieds nus sur le sol toute une série de fruits tout en marmonnant successivement leurs noms. Disons que mes neurones miroirs ne pouvaient faire autrement au bout d'un moment que de partager l'expérience jouissive et transgressive de l'écorce et de la pulpe d'un ananas ou d'une pomme qui s'écrase sous la plante de votre pied, tandis que votre voix ânonne le nom, le mot qui prenait ainsi un relief particulier.
Et une autre où il hurlait des choses assez peu compréhensible, bras ouverts, visage furieux, comme une sorte d'orang outan, et où son corps massif, sa voix et son visage prenaient une présence surprenante.
Je passerai sur ce que j'ai trouvé nul, creux, ennuyeux.
Ma réflexion a été que tout aboutissait quand même à une perte du sens du mot, du langage. La plupart des lectures étaient si rapides qu'on saisissait à peine au vol les significations, ou bien des mots étaient répétés jusqu'à perdre leur sens, jusqu'à une forme d'ennui. Ce qui prenait le premier pas c'était les voix, les corps...j'en ai donc conclu in petto que c'était plutôt du théâtre que de la poésie; En tout cas ma poésie : des phrases charriant une infinité de sens, d'images et de sonorités, qui s'adressent au plus intime de soi et demande intériorité, silence et lenteur.

Et puis ce matin sur France Culture une émission sur la bêtise, particulièrement la bêtise des gens intelligents pris dans un conformisme et qui était assez virulente au sujet de certains excès de l'art contemporain. Tout cela sa complétait bien.

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