MISSING // one part of the story

par cat, dimanche 22 mars 2015, 18:41 (il y a 3330 jours) @ zeio

oui, tu as raison, je disais la même chose à Claire il y a plusieurs mois, et c'est vrai que ça épuise. et c'est de ça que je suis épuisée, justement. chaque fois qu'il y a un noeud dans la corde Claire dit qu'elle se retire. à force j'en peux plus de ce jeu, je trouve ça malsain, c'est comme des menaces où moi je me sens forcée d'abandonner quelque chose, d'abdiquer quelque chose, ou de rétracter complètement chaque fois, pour elle, et ceci ne defaisant jamais le noeud dans la corde. à la longue ça devient trop serré, de noeuds, de plus en plus serré et j'étouffe. on ne peut pas toujours éluder comme ça glisser à côté pour éviter le fond du fond de certaines choses. moi je ne peux pas.



imagine

imagine un instant que delivre est une sorte de vaisseau, sans chef ni commandant, un vaisseau libre, qui permet d'avancer dans et vers des territoires inconnus. l'équipage porte le nom du vaisseau avec son prénom et s'interpelle. trouvé, un territoire se meuble de ce que chacun perçoit, métamorphe terrain, ciel. imagine que chacun soit relié plus ou moins, par un lien que chacun définit comme il veut, métamorphe, le lien métamorphe. imagine encore que certains soient dans la possibilité de percevoir le terrain d'un ou de plusieurs, le terrain, le ciel ou quelque aspect, parce qu'on ne choisit pas comment on connaît et perçoit, parce que ça arrive par la nature même du lieu, métamorphe. untel se dessine une grande crevasse qui l'accompagne partout où il va, un autre un nuage sombre qui l'habille avec une constance plus que fidèle, une marche le long d'une faille en disant que c'est un champ de fleur, l'autre se trace une tempête électrique phénoménale de laquelle nul ne peut approcher, chacun côtoie son propre danger. à force d'avancer dans cet étrange territoire, quelques uns ressentent les formes de danger des autres, ou les voient, et voient le véritable terrain qui les entourent et dans lequel ils avancent. imagine que de cette avancée la bulle de mirage personnelle s'amenuise, peu à peu, et qu'ils se mettent à voir dans la réalité l'escarpement où ils se trouvent, et qu'un soit dans un réel danger pour lui et les autres parce qu'il ne voit que son propre paysage projeté. que faut-il faire ? le prévenir ? mais il n'entend rien, il est pris dans son mirage, il y croit dur comme fer. tirer sur le lien ? cette personne se met à se débattre, ce qui aggrave la situation. couper le lien ? couper le lien est une sorte de terrible abandon. un décide de chanter très très fort en se disant que ça va forcément finir par pénétrer un mirage, alors il s'époumone en marchant dans la filée, se disant que l'autre va émerger, espérant que ça ne prenne pas dix ans... puis il se fatigue parce que le chant s'épuise, se décourage, pleure, rechante un peu, se sent perdu, seul parmi les mirages et le réel. l'autre continue à lui parler de son mirage et insiste pour lui dire que c'est la vraie réalité vraie. comment faire ? suis-je devenu fou se demande celui qui chantait ... quelques-uns pensent que non, d'autres que oui, lui, il ne sait plus. il sait seulement que tout autour de lui un grand paysage s'ouvre, qu'il voit des choses étranges et belles et tangibles, et que des mirages poursuivent certains de ses compagnons de voyage, mirages auxquels il doit les laisser, malgré lui... jusqu'à ce que ces mirages disparaissent d'eux-mêmes. il aura beau chanter, vouloir, prier, aimer, tirer, crier, rien n'y fera. rien. le voyage est lourd. et triste. ce qui devait être une équipée pleine d'enthousiasme, de surprise et d'étonnement, de découvertes et d'extraordinaire, se trouve devenir une sorte de cauchemar éveillé, où la lucidité lutte contre des miasmes terribles et où un des compagnons de voyage se tourne en lui disant "c'est impossible. voyons, moi je sais que ce que tu me dis est juste impossible" alors que c'est tellement possible qu'il est en plein dedans, avec les autres, parmi et entouré de tous leurs possibles de plus en plus réels.

l'équipée traverse plusieurs tempêtes et des brouillards épais comme du coton, celui qui chante appelle "untel, es-tu là?" et il écoute un chant se lever en même temps qu'un paysage. et encore "tel autre es-tu là?" et un autre chant se lève avec son paysage. celui qui appelle écoute les distances et les couleurs, mesure mentalement, ça lui donne du courage pour défaire ce méchant coton qu'aveugle le moment. il y met du coeur même s'il sait que le maître des ondes glisse dans un autre univers et que son filin flotte, vacant. il y remet de sa force, ne pas lâcher, tenir, parce qu'il a lu sur un mur un jour quelque part dans une ville il ne sait plus laquelle "la ténacité seule permet d'atteindre les plus hauts sommets", mentalement il se dit "territoires", "lieux à vivre", "beautés vivantes du vivre", "faits vivants réels", "impossibles rendus possibles", et il continue d'avancer dans et vers, avec son chant. alors, alors, quelqu'un vient lui dire tout en marchant très proche lui marchant presque sur le pied, lui susurrant dans l'oreille, lui bloquant quasiment le chemin "c'est impossible, tu te leurres, je ne te crois pas, tu te trompes, tu mens, tu mens, ce que tu dis n'existe pas" et il crie vers les autres en pointant du doigt "il ment, voyez tous ! il dit des choses qui n'existent pas ! ne l'écoutez pas, il est dangereux !", plusieurs se tournent et écoutent la harangue. celui qui chante a le coeur de plus en plus lourd, il avance malgré tout et se demande "puis-je rêver d'un autre univers ? et si je me le permets, y glisserai-je comme le maître des ondes ?". dans ce paysage étrange arrive un soir, un soir très dense, si dense qu'on dirait une glu matte entourant les choses et les êtres. on ne peut plus avancer. le bivouac forcé amène celui qui chantait à repenser tout le voyage, il se repasse des moments, les visite, sourit, pleure aussi, il y a des merveilles tout le long du parcours, des empoignes, des rixes aussi. des moments d'une beauté vertigineuse. il se demande si les autres se rendent compte, s'ils réalisent les forces qui se dégagent de chacun. seul, dans le soir du monde où ils voyagent, submergé de chagrin, celui qui chantait ferme ses yeux, salue intérieurement chacun des compagnons, chacun. sa fatigue est telle qu'il se sent comme englouti dans la pierre du paysage étrange où delivre avance. il s'appelle c.delivre, et il ne s'appelle pas. les autres, à force de ne pas s'écouter et de ne pas s'entendre l'ont transfiguré en pierre, en pierre noire du noir de ce paysage où ils ont décidé de ne voir que le noir.

au matin, les compagnons délivre se sont rendus compte que c.delivre avait fondu dans le décor en emportant des pans de son réel avec lui. ils se mirent à parler sur la pierre en disant qu'ils ne le voulaient pas, celui qui avait harangué et pointé du doigt lui fit même une prière secrète. mais la pierre est la pierre. autrefois c.delivre avait bien tenter de partager l'art de défaire les murs, mais personne n'avait voulu comprendre ni écouter ni savoir. maintenant, il leur faudrait apprendre par eux-même, la pierre se défait comme le mur se défait. seulement la matière dont c.delivre est fait s'imbrique tellement au paysage que rien ne peut défaire ce qui est fait. sinon le temps, peut-être.

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