Péridurale du poète

par Rémy @, jeudi 07 juillet 2016, 00:23 (il y a 2852 jours) @ Ecrire

Mais en même temps, suppose que tu sois médecin et que tu déboules au hasard d'une promenade en forêt dans une clairière où des gens seraient en train de soigner leur tension artérielle en se fouettant avec des ronces : ce serait de ton devoir de ramener ces fous vers des médications plus efficaces et moins dangereuses pour eux. Eh bien c'est pareil pour un psy qui surprendrait des gens à faire leur psychothérapie en public devant des inconnus : ce serait de son devoir de leur conseiller d'aller plutôt raconter ça à un professionnel dans son cabinet. Et certainement pas de jouer leur jeu exhibomasochiste en faisant semblant qu'ils soient dans son cabinet.


Par ailleurs, c'est très triste, mais il faudra bien finir par reconnaître qu'avoir mal aux genoux ne fait pas danser plus joliment, qu'avoir une conjonctivite n'aide pas à photographier, qu'on joue mal du piano avec des crampes aux mains, et qu'être en état de souffrance psychologique ne fait pas écrire de plus beaux textes. Pour faire de l'art, sauf rarissime génie beethovénien, on a besoin de toutes les facultés concernées.
En plus de cet appauvrissement à la source, le fait qu'ils soient thérapeutiques réduit la liberté d'interprétation des textes : pas le droit d'en rire, pas le droit de critiquer, obligation de compatir et d'admirer. Le propre d'une bonne œuvre, c'est quand même justement qu'elle permet plusieurs interprétations et qu'elle parle à chacun à sa façon, provoquant des réactions diverses. Si on désamorce par-avance cette diversité, ou si on la fustige après-coup, on tue l'œuvre.
Bref, à cause des deux bouts de la communication, le texte thérapeutique fonctionne mal du point de vue artistique.

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