jude /// Soufre (intégralité du texte)

par cat, mercredi 25 février 2015, 15:18 (il y a 3356 jours) @ jude

@jude


Je reviens toujours au même problème : in-quiétant : dans le sens où je ne peux pas me permettre d'écrire n'importe quoi, n'importe comment ; Bien sûr ta lecture, ton commentaire consolident !

in-quiétude comme dans in-tranquille ? c'est peut-être une bonne chose... tant que cette chose garde des proportions gérables ;)
...je pense/sens que personne, écrivain, écriveur, écrivant, ne peut se permettre d'écrire n'importe quoi n'importe comment. je pense que l'écriture est une chose très proche de l'alchimie, ou si tu préfères, une manière de "chambre noire" où l'acte Écrire/Lire est le trempage qui fait office de révélateur — et ton lire d'écriveur ensuite. et mon lire de lecteur, plus tard... mais le tien particulier au moment même où tu saisis/capte/reçois/perçois. tu ne saisis pas n'importe quoi n'importe comment...



Mais cela veut dire, comme l'a bien noté kel que j'ai la trouille de me faire ausculter le « bébé ». Je sais pertinemment que je lui ai transmis des gènes défectueux (qui est parfait?) et j'ai peur du médecin qui me dira « regardez cette légère déviation presque invisible, c'est la marque de... », peur du pédiatre qui, au premier coup d'oeil, peut m'affirmer : « oui, il a l'air très bien mais en fait... ».

...moui...j'euhm.. j'ai du mal avec cette histoire de "bébé".... c'est une manière de se placer par rapport à l'écriture qui me place moi en inconfort exact parce que cela induit que l'écrire serait "une pauvre petite chose sans défense qui ne peut survivre sans moi"... ce à quoi je n'adhère pas du tout, entre autre parce que c'est réducteur. en fait, je pense que c'est plutôt l'inverse, je vois l'écriture comme un océan immense, aussi immense que le cosmos... et nous n'y sommes qu'une virgule à peine... et à peine émergente.. d'où la nécessité d'une certaine circonspection, d'une certaine lenteur, d'une humilité particulière (mais réelle et de fond, non pas pour s'humilier, mais pour ressentir avec exactitude, tout et la fugacité, la moindre chose et son infime encore)... d'où un long travail de détachement en soi-même d'abord, puis dans l'écrire...


Tu me le passes :
-à la radio : normal pour un lecteur sérieux.
-au scanner : bien, quoique... je tremble.
-à l'i r m : là, je panique : qu'est-ce qu'elle va trouver encore ?
En plus, sur la blouse est inscrit : Catrine/E.T.
Et je les ai vues les antennes vertes que tu caches dans le col roulé de ton chandail !
Et puis c'est très vexant ! Je me prenais pour un E. T.


hihihéhéhé et au rayon K, et à l'infra-rouge, même avec des lunettes de vision nocture ;))
mais non ..j'ai fermé mon labo spécial et j'ai avalé la clef ... (elle est tombée dans un autre univers)

alors on est deux extraterrestres et c'est super !
et toi ? ... tu me les montres tes antennes, dis ? et tu as combien de doigts ?


Bref, et pour en revenir aux choses sérieuses, tu me sembles peu ou prou d' obédience platonicienne. Le texte existe en soi comme une entité presque indépendante et nous l'avons touché : moi, en essayant de le rapprocher de l'idéal que j'en porte à l'intérieur de moi ou au-dessus de moi, toi, en le dé-re-construisant à partir de la forme-substance éparse et tremblotante que tes antennes ont perçue et c'est ça qui est inquiétant parce que

... je ne sais pas pour Platon, peut-être que oui... (?) je ne suis pas sûre de vouloir entrer dans ce département là... les penseurs, ce sont des capteurs de réels... mais si le capteur est un peu tordu il rend un réel un peu de travers... alors là aussi je suis euh...circonspecte...

... mais si la statue ou la sculpture est déjà dans la pierre avant que d'être sculptée, si le tableau est déjà sur la toile avant que d'être peinte, l'écrire est déjà là avant que d'être écrit... non ? ... aussi nous sommes jamais que des traducteurs de silences..


, qui me dit que ta reconstruction /compréhension n'est pas plus parfaite que la mienne ?

non, non, je vois pas ça en tant que "parfait" et "non-parfait" ni en tant que "plus" ou "moins"... partons d'un exemple un peu plus simple si tu veux bien... disons que... ton texte est bleu, d'un bleu très singulier. pour le lire bleu il me faut écarter toutes les couleurs, et ensuite écarter toutes les nuances jusqu'à rejoindre (ou "syntoniser") le bleu juste de ce que tu transmets. alors ce n'est pas plus ou moins parfait, c'est bleu, et juste ce bleu là, lui seul. je n'en ai pas décidé, je ne l'ai pas choisi. mais pour le lire je dois y adhérer, alors, quand je rejoins ce bleu là... je le laisse faire ce qu'il a à faire (on va dire ...) je le laisse résonner/dire/respirer/se mouvoir/s'expandre/devenir. euh... c'est un exemple... pour illustrer...

En ce sens, oui, c'est une menace car je n'en sais pas plus que mon lecteur, peut-être moins... et alors mes mains ne sont plus seulement vides, elles sont trouées.

par définition, au niveau atomique... tes mains sont pleines d'espace, donc elles ne sont pas vides !
tes mains ne seront jamais vides que dans une perception tienne que tu choisis "vide", pourtant le vide est une chose qui n'existe pas dans la nature ni même dans le cosmos. le vide est une invention de l'homme, et ce vide n'existe que dans la pensée (...) et que dans des conditions exceptionnelles en laboratoire...


Je sais que le texte n'est pas à moi mais c'est toujours violent de voir ce que les autres lui font même si c'est totalement légitime et que je l'espère aussi.

... je me demande si Socrates maudit Platon depuis plus de 4000 ans...

parfois, certains esprits/pensées d'êtres nous produisent un choc, c'est un peu comme un éclair intérieur... c'est vrai que ce peut être violent, ce peut être vu comme ça.. néanmoins je crois que ce moment de foudre, cet éclairement soudain, cette espèce de fulgurance qu'on reçoit, est non seulement un rare privilège mais aussi un aliment — du moins... je le vis comme tel.. dans ma relativité très subjective..


P.S. : Tu ne menaces ni mon texte ni moi. Il n'empêche que c'est la chair de ma chair, il n'est pas encore fini, séparé de moi et donc j'appréhende . Pourquoi faudrait-il que je m'empêche de le dire ? Que je fasse semblant de rien ? J'ai quand même autant de droit que n'importe qui sur mon texte, non ?;-)))

P.s. : il y a une immense distinction entre la chair de ta chair et la chair du verbe, entre ton beau fouillis organisé de cellules vivantes, et, un corps de pensées et de paroles // appréhender c'est trouver une manière de prendre ... j'aime ce mot dans ce sens... // ..et.. ne fais jamais semblant de rien... et tu es le seul ayant droit au texte tien.


— euh... je ne me relis pas... faut que je me rematérialise....et que je file au bureau !

with all my regards — comme ils disent ;)

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