Le rêve cryptique de Rachel

par zeio, mercredi 10 mai 2017, 02:02 (il y a 2544 jours)





La sensation que la vie est un long rêve s'évapore, sitôt que l'attention se loge dans celle-ci, croyant un bref instant y faire sa demeure ; alors la lourde irréalité, prise pour son contraire, revient à la charge tel un taureau fulminant, grattant la terre de son sabot furieux. La poussière soulevée ainsi nous brouille à nouveau la vue et nous baissons la tête, sous le poids du dépit. Nous allons en aveugles au sein de la merveille, obnubilés par quelques dégradantes rumeurs. Le devoir ordonne de lutter contre les éléments hors de portée en l'état, de laisser libre cours aux combats perdus d'avance, et si nous ne prenons pas les armes, c'est que nous ne sommes pas alertes. La nature a prévu ainsi de nous confondre, nous offrant tous les dons pour éviter les pièges, nous en laissant si peu pour nous en échapper. C'est avec un plaisir certain que nous tombons dans chacun des pièges qui nous sont tendus, criant victoire quand nous sommes seulement capturés de nouveau. La vie se résume aisément à passer de l'un à l'autre de ces pièges gigognes. Rêvant avec acharnements de métamorphoses, de libérations soudaines. Nous sommes des proies, et les proies se trouvent toujours être dans l'ignorance de leur état, quand bien même elles en ont une vague intuition. Intuition qui finit incessamment par tomber à côté de la vérité, puisqu'elles ignorent la moitié de celle-ci. Nous ne sommes pas seulement les proies, nous sommes en premier lieu les prédateurs. Non pas des autres, mais de nous-mêmes. Nous mangeons notre propre cœur. Le reste du temps, nous attendons simplement la mort. Si tel n'était pas le cas, nous n'éprouverions pas le besoin d'être en permanence divertis, c'est à dire, de nous trouver sans relâche en situation de faire diversion. Ça n'est pas le repos du guerrier. C'est l'agitation, la lassitude et la fatigue du vaincu. *Que dirais-tu de faire un pas de côté ?*, ajouta-t-elle. Je ne savais pas où elle voulait en venir. J'essayais seulement de comprendre. Mais plus je tentais de m'emparer de ses paroles, plus elles me paraissaient insaisissables. Je ne savais que m'abandonner à leur résonance, les laisser infuser. Profiter du bonheur sourd et profond que sa présence faisait émerger en moi. Il n'y avait rien d'autre à faire, et cela semblait lui suffire. Les volutes de sa cigarette s'échappaient délicatement de ses doigts, je découvrais qu'elle me regardait fixement, de ses yeux émanait une tendresse, une netteté qui me faisait battre le cœur. Ses yeux bleu-métal étaient de toute évidence en accord avec son visage, avec ses lèvres, avec son corps tout entier, avec les étoiles. Elle n'attendait visiblement pas de réponse à sa question. Elle était là, elle existait, voilà tout. Elle savait bien, tout autant que moi, que la réponse allait de soi.

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