l'oeil fixé

par c., mercredi 26 novembre 2014, 14:37 (il y a 3439 jours) @ Claire

j'y vois une invraisemblance.
Les paquets qu'on reçoit des gens qu'on aime on les ouvre. Ceux qu'on reçoit des gens qu'on n'aime pas on les ouvre ou on les met hors de vue ou on les jette.


euh.. je ne suis pas d'accord, ce n'est pas si tranché, il y a des paquets qui revêtent l'apparence d'un symbole, qui contiennent un geste et un sens profond et même un impossible, un réel impossible. dans le texte ce paquet n'est pas qu'un paquet, il représente bien plus que cela, contient peut-être même le coeur d'un être ou son âme, son esprit. et alors comment jeter un coeur son âme ou son esprit ?


Là je lis une sorte de résolution quasi héroïque...alors pourquoi l'avoir gardé sous les yeux en lui donnant tant d'importance ?

..la question que tu avances contient la réponse, c'est l'importance que le paquet revêt qui fait que le non-geste est "héroïque".
ne pas l'ouvrir tient d'une résolution profonde, une résolution douloureuse, de celles qui coûtent, tu ne trouves pas ? cette résolution contient et parle d'un affect puissant, de son empire, auquel on a choisi longuement, posément, de ne pas se soumettre. de ne plus se soumettre. ou peut-être... imagine un instant, imagine seulement s'il te plaît, que ton coeur est pétri d'un amour indéfectible (et incommensurable) pour un être, au point de brûler intérieurement, au point d'en trembler dans tout tes organes, et imagine qu'il te faille tenir, que tu sentes que tu ne peux plus/pas y tomber. imagine ce paquet devant toi, arrivé soudainement, alors que tu places dans ton corps et ton coeur les forces pour te résoudre à te tenir (serrée en toi-même et déterminée), si tu ouvres ce paquet là, tout s'écroule dans ton être, toute volonté tombe, et alors tu es perdue à toi-même. cette force à se tenir contient, elle, (et c'est là le plus important, à mon sens) un amour encore plus grand et plus fort que celui ressenti et nourri, plus fort que celui dont le coeur aura été pétri pour "l'expéditeur". encore, garder le paquet non ouvert et le regarder est regarder cette force en soi, se rappeler à soi-même ... tu sais, on peut aimer jusqu'au bord de la folie, puis sentir qu'on glisse, puis avoir la force de résister, de ne pas "succomber", et lutter sciemment, dans une vaillance éprouvante, mais capitale. capitale.

je suis étonnée que tu n'aies pas lu ces aspects en sous-jacent... que tu n'aies pas saisi ce matériau sensible qui crisse réellement dans ce texte,

Sans le dernier vers, le poème garde une indécision, une indéfinition plus ouverte et plus proche je trouve de certains états où un objet devient comme vivant, comme le signe de la confusion des sentiments, de leur énigme.
Ou alors c'est de la haine...pourquoi pas après tout ?



justement, je pense qu'il ne faut pas qu'il y ait indécision ou indéfinition, ni confusion, ces états sont dépassés dans le poème, et très précisément c'est de ces états que le texte se garde. ce texte parle de ce moment où l'âme et le coeur d'une personne deviennent une lame, la lame d'une épée intérieure. et cette épée parle d'un amour plus qu'amour, d'une chose plus forte que soi tenue en soi. la seule détermination fait briller cette lame de droiture, de vaillance, et cette lame garde les plus hautes et les plus belles exigences qu'une âme puisse avoir.

ici la haine est impossible.






j'aimerais ajouter ceci que la toute première phrase stipule bien "l'observation/observance" et la position d'attention, quant à la toute dernière phrase, elle marque fortement la détermination: un oeil ouvert sur un aspect qu'on n'ouvrira pas sur un autre aspect. le choix de rester "sciemment aveugle" à une chose est vraiment l'aspect crucial ici... ça me parle de ... attends ... je viens de faire un lien, ha! cet Orphée s'anime! voilà! voilà je que je cherchais je viens de le trouver, j'ai bien dû lire quinze fois ce texte en me demandant ce qui m'interpelait ! Claire, ici je lis que l'anima/animus revêt la forme archétypale d'Orphée et l'incarne, et ici Orphée triomphe !





ha! merci jude, peut-être ma lecture te semble weird, mais, moi, je trouve une merveille rarissime ici, cette merveille étant un renversement puissant et salvateur, et le lire me remplit d'enthousiasme. ton poème a une âme.

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