K. dort un sommeil de plomb (absurdité)

par zeio @, mardi 10 novembre 2015, 03:09 (il y a 3304 jours) @ zeio

Il a été remarqué à de multiples reprises que Liberté vaine se promène nonchalamment dans les couloirs de la demeure, que son mouvement semble ne jamais devoir s’arrêter, comme si aucun juchoir ne convenait véritablement à son bassin protéïforme. À moins qu’elle ne puisse faire autre chose que se mouvoir. Ce soir elle est à nouveau entrée dans le foyer, sans avoir été invitée. Certainement pas par K., tout occupé qu’il est par l’examination d’une nouvelle manne, iridescence fortuite d’une tâche d’encre rouge, à genoux dans le papier raturé et froissé. Liberté vaine, encore plus exaltée qu’à l’ordinaire, marche sur le lit de K., ouvre les cahiers, les bois. Elle se jette en riant dans les monticules de paperasses, lance quelques feuilles dans les airs, prend du plaisir à les laisser retomber sur son visage, jusqu’au moment où les pages finissent par la recouvrir entièrement. Après s’être immobilisée un instant, n’y tenant plus, elle se redresse, passe la tête au-dessus des lignes. À la limite du fou rire, elle fixe K. pour vérifier si celui-ci a bien assisté au spectacle. Toujours obnubilé, sachant pertinemment qu’il ne pourra dégager de cette lutte perpétuelle ni victoire ni défaite, K. fait un geste de la main pour signifier qu’il ne souhaite pas être dérangé dans l’immédiat. Bien sûr, à nouveau il n’a rien manqué de l’événement qu’il fait mine d’ignorer. Il la repousse, l’exhorte à rester. Elle porte avec elle la poussière des rues noires, sans laquelle les pages ne sont plus que des pages. Elle connaît les peurs de K., sur lequel elle vient maintenant refermer ses longs bras, comme pour le déranger d’un point d’équilibre douteux et précaire. *Sans doute recèle-t-elle un manquement, le projet d’une éclipse*, se dit-il. Lisant dans ses pensées, Liberté vaine abolit une à une les lumières, pour ne pas parasiter les étoiles.

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