K. dort un sommeil de plomb (absurdité)

par zeio, jeudi 24 mars 2016, 00:47 (il y a 3169 jours) @ zeio

Au matin, la ville entretient comme à l'ordinaire la confusion qui la constitue. Un foulard traîne au sol, les passants daignent l'enjamber, mais ils ne feront pas l'effort aujourd'hui de le ramasser et de le mettre en lieu sûr. De même pour K., assis à cet instant au pied d'un platane que le printemps revigore. Le vent se lève, il enroule et pousse le foulard un peu plus loin. K. fait de même, il se met lui aussi en marche, porté par un vent qui draine avec lui tous les hasards des attributions. Si les passants donnent le sentiment de se rendre quelque part, vers un point où un autre de la ville, ça n'est guère autre chose qu'une passable illusion. Ils n'ont, en fait, pas bougé d'un iota. Certains, sinon la plupart, ce sont même repliés plus profondément dans le point central qui leur a été attribué au commencement de la vie. Au fond, ils n'ont pas fait grand chose d'autre que de plonger leur visage entre leurs genoux vieillissants, dans une position corporelle atteinte à force de contorsions, ceci, non pas même dans le but d'observer avec plus d'attention le sol apparemment concret sur lequel repose l'existence, mais plutôt pour se rendre aveugles, plus aveugles encore qu'ils ne le sont aujourd'hui. Surtout, avec la volonté farouche et inaltérée de ne pas voir, sous aucun prétexte, l'émergence du soleil grandiose, celui-là même qui est prêt à les absoudre, prêt aussi à éclairer la face intérieure et incertaine de leur monde. K. jette un regard sur sa montre, il est neuf heures moins cinq, il est temps de presser le pas, non sans avoir encore un peu laissé traîner son cœur dans une nappe de mystère. Celle là même qui garde en éveil quelques sensations qui étaient restées pour lui jusque là inconnues.

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