K. dort un sommeil de plomb (absurdité)

par zeio, mardi 26 juillet 2016, 02:57 (il y a 3045 jours) @ zeio

C'est la même page du livre qu'on a longtemps gardée ouverte, afin de lire à nouveau l'élément déclencheur, cette forme d'incitation à disparaître sur-le-champ, par le premier interstice qui se présente. La page est gardée ouverte, on en revient pas de retrouver les mêmes mots, le rythme et l'agencement parfait, l'exactitude, la synchronisation établie entre soi et les formules qui retournent l'esprit. C'en est trop sans doute, se dit K.. Une main a tourné la grande roue de métal qui contrôle les vannes du barrage intérieur. Il fallait lire exactement ceci, à ce moment précis, les mots attendus se sont avancés en bataillons compacts au pied de la franchissable muraille. C'est le signal du déversement. K. referme brusquement le livre, se sentant suffisamment fort désormais, en pleine possession de ses moyens. L'envie de retrouver la page surgit aussitôt après l'avoir refermée, mais le livre est vaste, la page est perdue, qui n'a pas pris le pli et ne veut plus s'ouvrir d'elle-même. Il faudra en garder la mémoire. La nuit est avancée, on a fermé à triple tours la porte de la rue, dehors il n'y a ni bruits ni passants, ni rien. Dans la maison les seules respirations ont remplacées les paroles. La page ne peut pas être retrouvée aujourd'hui, il faudra faire avec les morceaux épars de la ritournelle laissée dans le corps, les faire danser sans les dilapider. Mais tout dans le monde enjoint fermement à l'oubli et au sommeil. Il n'est pas temps de remettre ses habits, d'ouvrir la porte de la chambre qui est sensée rester fermée jusqu'au matin. Il n'est pas temps non plus de traverser le corridor plongé dans l'obscurité, d'emprunter l'escalier pour aller rejoindre la rue où, semble t-il, rien ne l'appelle. Pourtant, K. a retiré ses habits de nuit pour enfiler ceux du jour, il a déjà traversé le corridor, descendu l'escalier. Un claquement de porte a rompu le silence et son emprise.

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