K. dort un sommeil de plomb (absurdité)

par zeio, samedi 10 octobre 2015, 03:25 (il y a 3124 jours) @ zeio

Un imperceptible murmure résonne à travers la demeure labyrinthe, semblable, dans les distances, à une prière dédiée à un dieu altéré. Suivi d’une tache noire qui déploie sur le papier ses ramifications lentes. À l’écart, K. explique consciencieusement la brume qu’il vient d’entrapercevoir. Il laisse échapper un toussement. Sa sœur répond, depuis la chambre contigüe, par un rire fou qui ne lui est en rien destiné. Il écrase ce rire dans sa main, comme s’il voulait par là lui rendre ses couleurs vives. Il étale la poudre reliquat sur la page, empreinte résiduelle, lui seul étant capable de rendre forme à ce désordre ; de racheter la confusion, l’extraire de la prison sans porte où le monde l’a reléguée. Il a placé le monde sur sa table de travail pour le faire parler. Il a tendu l’oreille, pour de bon. Nul n’entend ce qu’il transcrit. K. débute le livre par la fin, par le milieu, peu importe, chacun de ses chapitres expose un perpétuel recommencement. Chacune de ses expirations rauques porte en elle l’embryon d’un renoncement. Cheminement sans remède, prière sans dieu. Plaisir paradoxal de la perdition. Consécration, au point culminant de la déchéance. Il est temps de fuir l’incendie. Non sans avoir auparavant pris goût aux flammes. Respirer, respirer. Par les interstices, entre les pierres. La splendeur de la vie se tient à ses côtés, quelque part dans l’ombre. Perçue, fuyante, désordonnée. Mais ici-même, aux côtés de K.

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