K. dort un sommeil de plomb (absurdité)

par zeio @, vendredi 13 novembre 2015, 03:22 (il y a 3090 jours) @ zeio

D’aussi loin qu’il se souvienne, K. s’est toujours senti destiné à accoucher de quelque chose. Peut-être est-ce dû au grincement reconnaissable de la porte en bois de la maison natale. À moins que cette vocation ne trouve son origine dans le pâlissement lent des fleurs oranges que la mère déposait dans le grand vase translucide. Un parapluie cassé dont on ne s’est jamais débarrassé, peut-être. K. essaie de se rappeler mais, se sentant envahi de nombreuses solutions plausibles, il décide finalement de n’en choisir aucune, afin de préserver pour chacune d’entre elles un certain droit à la vie. Le travail d’accoucheur, consistant non pas à extirper un corps quelconque des viscères, mais à réprimer le mot simulé, pour favoriser l’émergence du mot juste, lui seul étant en mesure de venir au monde de lui-même et sans effort. Il ne s’agit donc pas de créer, mais bien de museler la part inerte qui menace perpétuellement, préparer avec toute l’abnégation nécessaire un espace salubre qu’une éloquente vitalité viendra d’elle-même habiter. Ainsi, lorsque celle-ci émerge et vient finalement s’établir dans cet espace intérieur, elle produit, K., redoublé, voit alors s’élargir une souveraineté qui est sans rapport avec l’inertie et la contrition qui précèdent. *C’est là le véritable travail de l’accoucheur*, se dit K. en se tournant vers la fenêtre. *C’est avant tout un travail d’oppression*.

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