K. dort un sommeil de plomb (absurdité)

par zeio @, jeudi 29 octobre 2015, 13:47 (il y a 3105 jours) @ zeio

Le déclin, versatile, va et vient d’une pièce à l’autre de la demeure. Il est chez lui. Ce soir il s’est posé sur la paume de K., qui n’a pas hésité avant de le réduire en poudre dans son poing, pour le faire sien, avant de le laisser s’écouler lentement au-dehors, dans le buisson que la fenêtre surplombe. Il reviendra demain, délaissé, affamé mais plein de fougue. K. l’attendra comme il le fait chaque nuit. Il se demande s’il ne va pas bientôt réclamer un nom, un statut, un numéro de sécurité sociale. Une mission mystérieuse. Un couvert à la table familiale. Il se dit que le déclin a déjà bien assez de toutes ces choses. Il ne cédera pas à ses extravagances. Il sait bien qu’il cédera. Par inadvertance, par lassitude, qu’importe. K. a toujours cédé devant la promesse d’un engloutissement, fût-il passager. Un marcheur, sur le trottoir, reprend des forces un instant contre le mât d’un lampadaire, avant d’affronter l’obscurité prochaine. K. ne sait pas s’il s’agit du même ou d’un autre. De son ombre propre et de sa lumière. Il ne sait pas non plus si l’objectif du marcheur est de rentrer chez lui, ni même s’il en connait la direction. Peut-être est-il victime d’un oubli momentané, sinon définitif. K. serait en mesure, dès lors, de lui porter secours, de l’interpeller depuis la fenêtre, lui indiquer la marche à suivre vers un foyer qui n’existe pas. Décidé, K. avance par à-coups sa tête vers l’extérieur. Il veut prendre une grande inspiration, sans bien savoir ce qu’il a l’intention de hurler. Ses poumons, endoloris, douloureux, se gonflent avec difficultés. Mais K. n’a pas le temps d’émettre son premier cri. Le marcheur, décelant peut-être un tressaillement quelque part dans la nuit, reprend son chemin.

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