K. dort un sommeil de plomb (absurdité)

par zeio @, jeudi 03 décembre 2015, 04:04 (il y a 3070 jours) @ zeio

Au début ils sont trois, peut-être quatre. Un attroupement inhabituel se fait jour dans la rue noire. Les vêtements uniformes, chapeaux et longs manteaux sombres, laissent penser que tous les passants sont issus d’une même classe sociale. Mais ça n’est probablement pas le cas. *Peut-être un accident ?* Il se souvient qu’un vagabond est installé très exactement à cet endroit depuis quelques jours. Il n’a jamais pu le voir directement. Il pouvait tout au plus distinguer la forme d’un être humain, étendu sous une couverture sale, entouré de valises déchirées, de conserves vides. Désormais ils sont une dizaine à se rassembler. Il remarque une mère de famille, tenant deux petites filles par la main, avancer à pas rapides avant de disparaître dans l’essaim. *Peut-être est-il mort ? S’inquiète-t-on de son sort ?*. K. se tourne vers le côté opposé de la rue, espérant apercevoir le véhicule des secours. Mais il ne le voit pas. Les passants se dirigent tous vers le même point, vers cet épicentre qui se densifie encore. Il y a bousculade. À travers une fenêtre de l’immeuble d’en face, une famille s’habille en toute hâte. Les autres fenêtres sont vides. Sans doute devrait-il y aller lui aussi ? Il éprouve la même aspiration que ses semblables, pourtant il ne bougera pas. L’autorité qui provoque en eux le mouvement, chez lui suscite un immobilisme forcené. Maintenant, certains hommes sont au sol, victimes d’écrasement ; la masse humaine dépassera bientôt en hauteur le lampadaire, puis les arbres. À ce rythme, qui sait si elle ne montera pas jusqu’au niveau de K. Effrayé, il ferme brutalement la fenêtre, puis les rideaux. On ne l’y reprendra plus à vouloir satisfaire une telle curiosité. Dans la chambre voisine, la sœur s’endort paisiblement, comme si de rien n’était.

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