K. dort un sommeil de plomb (absurdité)

par zeio @, mercredi 27 janvier 2016, 03:09 (il y a 3015 jours) @ zeio

Assis à sa table de travail, K. garde précieusement le portrait à portée de ses mains. Il ne prend pas la peine de poser systématiquement ses yeux sur l’image, la présence du portrait suffit, même dans l’ombre. Les yeux imprimés en noir et blanc, par contre, ne ratent rien de ce qui se déroule ici. Ils sont imprégnés de chacun des gestes et des expirations de K. Ainsi, depuis sa table de travail il se sait observé par cette matière à-demi vivante, mais plus vivante tout de même que les fleurs qui terminent déjà leur vie dans les vases hagards. Peut-être plus vivante encore, dans le for intérieur de K., que les nombreux passants qui transitent d’un point à un autre de l’existence, qui ont oublié que leur respiration s’est arrêtée un jour devant l’entrelacement des étoiles mouvantes. Lorsque K. est au travail, l’écriture est sans cesse sur le point de mourir, toujours en instance de venir au monde, sous le jour crû des phénomènes observables. Pourtant lorsque K. prend l’objet dans ses mains, il regarde le portrait, non pas seulement pour se remémorer quelque chose ou quelqu’un, il le regarde comme on veut se renseigner sur le temps qu’il fait, et savoir si la tempête violente sera bientôt suivie d’une éclaircie méritée. Il synchronise ses étendues intérieures avec l’expression fluctuante du visage aux aguets, point d’appui, tout autant que lueur vive fixée loin dans l’horizon. Il l’absorbe, comme d’autre veulent faire entrer en eux les dieux protecteurs, figurines minérales posées nues sur les autels. Il saisit une expression qui sera une forme de réponse à une question inconnue. Une question qu’il préserve à tout prix dans son obscurité. À ce moment précis, c’est un regard sévère qui culmine au-dessus de la table de travail de K. Un regard pourtant dénué de toute espèce de négativité ou de jugement. Sévérité de ce regard qui le déchire et l’impose de continuer.

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