K. dort un sommeil de plomb (absurdité)

par zeio, jeudi 10 mars 2016, 01:55 (il y a 2973 jours) @ zeio

Quand sa propre peau a fondu en larmes et qu'il reste seul ainsi, accroupi dans un angle dénué d'accommodements ; il éprouve la nuit qui agence, avec toute la patience nécéssaire, ses pièces noires sur l'échiquier de son espace vital. Les pions avancent sans rencontrer d'obstacles, K. demeure ainsi assiégé dans l'angle, à l'affût d'un événement qui viendra infléchir la course de la nuit, ça peut être une lueur, même maigre, même maligne. Ça ne peut pas être un secours, il n'en demande aucun. La fenêtre est restée ouverte, le rideau ondule sous l'effet de salubres courants d'air, à eux seuls ils empêchent le lieu de sombrer dans une définitive immobilité. C'est pourtant ce soir, à cet instant même, depuis cette obscurité, que K. a senti en lui se déclencher le travail. Il faudra mettre bas tout un pan de la mémoire. La douleur de la mise au monde est peut-être la plus aiguë. La plus salvatrice aussi. Un potentiel de plénitudes attend à couvert, derrière un tissus de confusions, il faudra l'atteindre, quoi qu'il en coûte, après la naissance. La naissance qui n'a jamais lieu. La naissance toujours sur le point de se produire. K. retient le premier cri pour ne pas réveiller toute la maison. Il met un nœud entre ses dents, ainsi il peut crier désormais : il ne brisera le rêve de personne. C'est une tête congestionnée, bleue qui apparaît d'abord, les eaux non retenues qui ne manquent pas de noyer la page du livre, une tête sans vie dans les premiers instants, prête à hurler tout de même. La marche arrière est impossible. Il faudra tout coucher sur le papier.

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